Histoire des pasteurs du Désert

depuis la révocation de l'édit de Nantes jusqu'à la Révolution française, 1685 - 1789
Napoléon PEYRAT

aux Presses du Languedoc

"- Quelle est cette montagne ? demandai-je à mon guide - Le Bougès, répondit-il, les Trois Hêtres. A ce nom, je m'arrêtai, et je contemplai avec une religieuse émotion le sauvage berceau de l'insurrection camisarde. Ce mont célèbre que je venais interroger sur les combats et sur les douleurs de nos aïeux, semblait avoir voulu se présenter à mes regards dans toute la majesté de son passé, et revêtu des symboles de son histoire, d'un manteau d'orages, d'un voile funèbre et d'une couronne de gloire."
Publié en 1842, et à ce jour jamais réédité, l'ouvrage de Napoléon Peyrat, Histoire des pasteurs du Désert, a réhabilité les camisards, rendant leurs pères aux héritiers d'une révolte jusque-là enfouie dans le silence. Écrite dans une langue magnifique, à la fois biblique et romantique - l'auteur était aussi un poète, remarquable dans ses adaptations des Psaumes -, cette histoire vibre de passion et de fidélité douloureuses. Peyrat a lu tout ce qui était alors disponible ; il est venu en pèlerinage, un des premiers, dans ce qu'il a appelé "les Cévennes proprement dites", celles de la guerre. Il a conçu son livre comme un acte de piété à l'égard d'hommes et de femmes que l'histoire avait broyés avant de les priver de sépulture et de mémoire.

Autour de l'épisode camisard, c'est le destin tragique et glorieux du protestantisme français que Peyrat donne à voir, dans une synthèse nerveuse, pleine de raccourcis flamboyants.

Né en Ariège, le pasteur Napoléon Peyrat (1809 - 1881) occupe une place méconnue dans l'historiographie du catharisme et de la Réforme. Outre Les Pasteurs du Désert, il est l'auteur d'une Histoire des albigeois en cinq volumes. Son ouvre comporte aussi d'autres livres historiques, une biographie de Béranger et de Lamennais, ainsi que trois recueils poétiques.

Agrégé d'histoire, maître de conférences à l'université de Toulouse-Le Mirail, Patrick Cabanel a publié et dirigé de nombreux ouvrages, pour la plupart consacrés au protestantisme, dont plusieurs aux Presses du Languedoc, notamment les trois volumes des Itinéraires protestants en Languedoc, XVIe-XXe siècle ainsi que la réédition de l'Histoire du fanatisme renouvelé de J.-B. L'Ouvreleul.

Prix Public: 35 €
576 pages
Format 23,5 x 17 cm
Poids: 1620 g.
Collection: Bibliothèque Camisarde
Diffusion PL et CED


En couverture : Exécution du prophète Esprit Séguier, le 12 août 1702, au Pont-de-Montvert.
Plaque de verre peinte par Samuel Bastide, extraite de la série Les Camisards. Coll. musée des Vallées cévenoles, Saint-Jean-du-Gard.
ISBN: 2-85998-264-7

Les camisards et leur mémoire

1702 - 2002
Sous la direction de Patrick CABANEL et Philippe JOUTARD
Colloque du Pont-de-Montvert des 25 et 26 juillet 2002

 

Les dragonnades et la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, devaient contraindre le protestantisme français à l'exil ou à la clandestinité. La communauté réformée, privée de pasteurs, s'est réfugiée dans une piété pétrie de ferveur mystique, puis secouée par la vague du prophétisme. De la résistance non violente, assumée pendant près de dix-sept ans, la jeunesse cévenole est passée, en 1702, à la rébellion ouverte, au nom de la liberté de conscience.
Le 24 juillet 1702, le meurtre de l'abbé du Chaila, au Pont-de-Montvert, déclenche la guerre des camisards. Pendant deux longues années, le conflit ensanglante les Cévennes et les plaines, jusqu'au littoral méditerranéen. Cette guérilla de paysans et de prophètes, qui obligea Louis XIV à envoyer sur place ses grands maréchaux, retint l'attention de l'Europe.
Les populations civiles ont payé un lourd tribut à ces années de violence, la royauté n'ayant pas hésité à déporter des villages entiers et à entreprendre, à l'automne 1703, le brûlement des Cévennes qui raya de la carte des dizaines de villages et hameaux.

Les dragonnades et la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, devaient contraindre le protestantisme français à l'exil ou à la clandestinité. La communauté réformée, privée de pasteurs, s'est réfugiée dans une piété pétrie de ferveur mystique, puis secouée par la vague du prophétisme. De la résistance non violente, assumée pendant près de dix-sept ans, la jeunesse cévenole est passée, en 1702, à la rébellion ouverte, au nom de la liberté de conscience.
Le 24 juillet 1702, le meurtre de l'abbé du Chaila, au Pont-de-Montvert, déclenche la guerre des camisards. Pendant deux longues années, le conflit ensanglante les Cévennes et les plaines, jusqu'au littoral méditerranéen. Cette guérilla de paysans et de prophètes, qui obligea Louis XIV à envoyer sur place ses grands maréchaux, retint l'attention de l'Europe.
Les populations civiles ont payé un lourd tribut à ces années de violence, la royauté n'ayant pas hésité à déporter des villages entiers et à entreprendre, à l'automne 1703, le brûlement des Cévennes qui raya de la carte des dizaines de villages et hameaux.

La paix survenue en 1704 n'a pas rétabli la liberté de conscience mais les autorités ont retenu que le protestantisme ne pouvait être éradiqué dans sa forteresse méridionale. Sa restauration allait commencer, entreprise en partie par d'anciens camisards devenus des prédicateurs pacifiques. Les Cévenols, dont la mémoire a été marquée au fer rouge par le conflit, ont su en retenir la leçon.

Cet ouvrage, issu du colloque du Pont-de-Montvert, qui s'inscrit dans les diverses manifestations qui marquent le tricentenaire de l'insurrection, et nous invite à revisiter une page tragique et fondatrice d'une identité et d'une mémoire toujours vivante.

Prix Public: 21 €
278 pages
Format 23,5 x 17 cm
Poids: 480 g.
Collection: Bibliothèque Camisarde
Diffusion PL et CED

En couverture : Plaque de verre peinte par Samuel Bastide, ouverture de la série Les Camisards. Coll. musée des Vallées cévenoles, Saint-Jean-du-Gard.
ISBN: 2-85998-269-8

Avec les interventions de la plupart des membres du comité de rédaction de camisards.net ...

Interrogatoire de Jacques Cregut de Ferrussac

L'attaque de la maison de l'hôte Alibert, d'Aulas

L'attaque de la maison de l'hôte Alibert, d'Aulas, et le massacre des convives qui s'y trouvaient. Interrogatoire du seul rescapé, le camisard Jacques Cregut de Ferrussac (paroisse de Meyrueis). Textes présentés par Pierre Rolland.

Voici comment Henri Bosc, dans son ouvrage "La guerre des Cévennes" le plus complet et le plus détaillé sur la guerre des camisards paru à ce jour, raconte l'affaire:

"Il y aurait eu, aux alentours de cette date (24-25 avril), un engagement assez important entre les troupes royales et les camisards, qui a été passé sous silence par la plupart des historiens et dont Bâville entretint le ministre Chamillart le 27 avril. Du côté du Vigan, une troupe de rebelles avait fait son apparition, une partie de cette bande s'était retirée dans un cabaret et avait été attaquée de nuit par le sieur de Latude, capitaine de dragons du nouveau régiment du Languedoc. Cet officier réussit à la disperser et aurait tué une quinzaine de camisards, n'en gardant qu'un "pour servir d'otage" (Arch. de la Guerre, vol. 1709 f° 119). On n'a aucun détail précis sur cette affaire". (Bosc, vol. 1 page 662).

Henri Bosc en est resté aux informations données par une lettre de Basville au ministre, reprenant la version donnée par le principal acteur (côté militaire) de l'action. S'il avait pu croiser cette information avec d'autres (mais peut-être ne les a-t-il pas eu en main), il aurait reconstitué une scène bien différente de celle de l'officier Latude. Ces informations, publiées pour la première fois à notre connaissance (excepté un passage des "Itinéraires protestants" relatant l'affaire dans ses grandes lignes), permettront au lecteur de se faire une idée sans doute assez proche de la réalité de ce qui s'est passé. Ces documents sont :

- Une note d'une douzaine de lignes envoyée à Antoine Court, provenant probablement d'une personne favorable aux camisards, ou pour le moins protestante.

- Une relation envoyée au même Antoine Court, provenant probablement aussi d'un protestant, mais opposé aux camisards ("sur le prétexte de rétablir la religion en France"). Nous avons laissé l'intégralité du texte, bien qu'une partie ne concerne pas notre affaire.

- Un paragraphe des mémoires du camisard devenu pasteur Gaubert

- Enfin l'interrogatoire intégral de Jacques Cregut, le camisard arrêté, qui nous a paru très intéressant non seulement pour la version qu'il donne de l'affaire où il a été pris, mais également pour tous les renseignements qu'il donne sur la vie du camisard "de base".

Texte des Papiers Court, BPU de Genève, 17 B, f° 556
(c)
De la Theude capitaine de dragons avec Mr d Assas cap de la Bourgeoisie feurent tomber sur une troupe de jeunes gens qui se divertissoient dans une maison d Aulas ou il y avoit un camisar, on fit main basse sur eux il y eu de morts Jean Viguier, Anterieux, La Pierre, Alibert me de la maison, tous d'Aulas, François Abric fut laissé pour mort mais il echapa, la femme d'Alibert fut laissée aussi pour morte mais elle vecu encore 4 ou 5 mois en tout il y en eut 7 de morts La maison fut pillée

En note au-dessus du § c et sur le coté:

Pere du gouverneur de Milord, il (Mr de la Theude) fut cause de ce massacre par jalousie contre Alibert qui etoit expert et navoit pas estimé comme il auroit souhaité le bien de Mr du Bouillet parent d'Assas.

Texte des Papiers Court, BPU de Genève, 17 U, f° 431
Le 21 avril 1703, un capitaine de dragons appelé mr Latude de Montagnac étant en garnison au Vigan, à dix heures du soir est allé en la ville d'Aulas et dans la maison du sieur Alibert où il a fait tuer ledit sieur, Anthérieu son neveu, le fils aîné de Vigier, un nommé Mallié, le fils de la Fournière, un nommé Nadal, un Cabanis de Molière, la femme du sieur Alibert blessée à mort, croyant que toutes les gens fussent des camisards, comme cela on appelait les troupes qui étaient dans le bois, qui ne sortaient que la nuit brûlant les églises, tuant les prêtres, ravageant les villes et villages par tout le Bas Languedoc à la réserve de Nîmes, Montpellier, Saint Hippolyte et le Vigan qui se fortifièrent et défendirent toutes les Cévennes, et toutes souffrent extraordinairement. Le tout a été sur le prétexte de rétablir la religion en France. Il y a dix-sept ou dix-huit brigades de ces gens ; celles de nos cantons étaient gouvernées par Jean Delanne de Roquebrune, travailleur de terre qui a été pris et tué à Mars le 3e mai 1703. Ayant manqué sa troupe composée de 80 hommes, les autres dessus écrites les unes de 300 et les autres de 400 hommes, les plus fortes de 700 hommes ; on aurait déjà brûlé Avèze, Bréau, Montdardier, Lanuéjols, .... , toutes les hautes Cévennes, tout Lavaunage et Bas Languedoc ; toutes les villes qui ont pu résister étaient pleines de troupes, au Vigan nous y avons encore 16 compagnies, savoir 12 de dragons de Fimarcon et 4 d'infanterie. Dieu veuille apaiser son courroux et nous donner la paix par sa grande miséricorde.

Texte extrait des Mémoires de Gaubert Manuscrits Court, volume 17 B f° 367 et sq)
L'an 1703 au mois d'avril dans Aulas se fit ou à un village nommé Salagosse, de la paroisse d'Aulas. Dans la nuit un officier du Vigan qu'on appelait La tude ou tunne fit un détachement à l'aventure, s'en fut à Aulas. Il pouvait être 9 heures du soir, or dans un cabaret où il n'y avait que l'homme et la femme appelé mr Allibert, y avait 6 hommes qui soupaient. Il y en avait quelqu'un qui était venu de l'assemblée, d'autres qui n'y avaient pas été. Ce mr Latude les entendit parler, y entra avec ses soldats, et fit massacrer ces gens-là sans leur dire pourquoi ni comment, et un d'eux se jeta dessous la table, la table lui tomba dessus, il fit du mort et se sauva après qu'ils furent sortis de la maison. On tua aussi l'hôte de la maison mr Allibert. On crut d'avoir aussi tué sa femme, mais elle en échappa. Quoiqu'elle eut plusieurs blessures, elle vécut encore une dizaine d'années, on ne fit rien à la servante à cause qu'elle était papiste, on pilla la maison, on y mit le feu, mais il s'éteignit.

L’historien catholique La Baume rapporte la mêmes scène de façon assez proche, sauf que le " souper " est devenu une assemblée (Relation historique ... page 171) :

Mr de La Tude, qui commandait quatre compagnies de dragons au Vigan, fut à Aulas sur la fin du mois d’avril. En passant devant la maison du sieur Alibert, qui faisait facturer des draps, il entendit quelque bruit, ce qui l’obligea à faire investir la maison. Il y trouva deux Camisards avec leurs armes, qui portaient des cocardes vertes où pendait un bout de frange ; c’était une marque pour se connaitre entre eux. Il y avait aussi cinq ou six autres hommes.

L’assemblée qui avait été convoquée commençait à s’assembler ; il fit passer au fil de l’épée Alibert, sa femme et sept hommes, et n’épargna qu’un camisard et une servante qu’il fit conduire à Alais ...

ADHérault C184.322
Interrogatoire de Jaques Cregut tisserand de cadis fils de feu Jean du mazage de Ferrussac paroisse de Meyrueis.

Henry de Ginestoux seigneur d'Argentières gouverneur et viguier de la ville et viguerie du Vigan subdelegué de Monseigneur de Baville Intendant de Languedoc

Du vingt troisieme avril mil sept cens trois dans la jaule des prizons royaux du vigan.

Avons mandé venir desd prisons un jeune homme de moyenne taille ayant les cheveux noirs et assez longs estant en chemizette de cadis burel portant deux paires de chausses l'un gris et l'autre burel portant une chemise de toile blanche portant des bas faits a laigulhe blancs et bons souliers et un chapeau noir retroussé

Auquel avons demandé son nom surnom religion age qualité demeure et le sujet de sa detension

Lequel après avoir presté serment de dire vérité nous a dit se nommer Jaques Cregut tisserant de cadis fils a feu jean du mazage de Ferrussac paroisse de Meyrueis age d'environ vingt cinq ans faizant profession de la religion pretendue reformeée et que huit jours après la St Michel il feut a Aulas s'estant loué avec Alibert hoste de la Treille dud Aulas pour amasser les chatagnes dans lequel temps il feut avec François Martin fournier dud Aulas a une assamblée qui feut faite au-dessus de Salagosse dans une claye appellée la Borie du Gendre y ayant environ quatre vingts personnes hommes ou femmes qu'il ne connut pas. Led François Martin luy ayant dit que le predican s'appelloit Delenne, led Delenne estant d'une taille un peu plus grand que luy ayant les cheveux chatains. Et huit jours avant les festes de la Noel dernier il auroit quitté led Alibert estant allé travaillé de son metier avec le nommé Laval ou il resta de travailler de son metier de tisserand de cadis jusques sur la fin du mois de janvier dernier que le fils du Sr Desmazes dud Aulas faizant recrue dans le temps quil travailloit estant derriere le mestier de tisserand a la maison dud Laval le fils dud Sr Desmazes acompagné de deux de ses soldats de sa recrue le seroient veneu prendre et enlevé disant qu'il estoit enrollé avec luy. Et ayant resté deux ou trois jours a la maison du Sr Desmazes voyant qu'il estoit enrollé par force il auroit dezerté pour aller a Anduze travailler de son metier de tisserand estant party d'Aulas au commansement du mois de février dernier, et pour aller aAnduze seroit passé par Mandagout a Taleirac a Bonperié aux Plantiers paroisse de St Marcel de Fonfouliouze et a Saumane auroit rencontré la troupe de fanatiques dont le chef estoit le nommé Castanet de Massevaques estant un petit homme assés gros portant une peruque blonde habillé de minime doublé de rouge portant sur le chapeau un crespe disant quil fait deuil de son pere; son lieutenant etant le nommé Laroze tisserand de son mestier ne sachant pas son nom ny sa demeure estant d'une grande taille portant une perruque noire megre de visage. La troupe des fanatiques estant composée d'environ cent quarante hommes y en ayant quarante d'armés. Led Castanet menant une jeune fille faizant la profetesse agée d'environ quinze a seze ans qu'on dit estre de St andré de Valbornie. Led Castanet ayant obligé led Cregut a les suivre luy ayant baillé un fuzil et une chemise blanche qui est la meme qu'il porte presentement et un galon d'or pour border son chapeau comme il fit. L'ayant logé ce meme jour a Saumane chés le nommé Bastide avec trois autres inconnus aud Cregut et aussi le reste de la troupe quatre a quatre chés les habitants dud Saumane, led Cregut n'ayant reconneu aucun de la troupe que le nommé Thomas d'Aumessas qui avoit dezerté de la Compagnie du Sr Delavaurs ayant soupé aud Saumane ils en seroint partis ayant marché toute la nuit ne sachant ou ils feurent; le lendemain au chateau de Lom dans la paroisse dud Saumane le nommé Estienne fils du nommé Causses Vertes de Pracoustals paroisse d'Aulas feut les joindre ayant resté avec la troupe dud Castanet depuis ci fait environ quinze jours qu'il le quitta , led Castanet le faizant marché de nuit le plus souvent et le jour dans le païs desert et inconnus dud Cregut les faizoit reposé; et les habitants des environs ou ils roullent qui leur portoit des vivres n'en connaissant aucun tous obeissant au commandement dud Castanet ne restant presque jamais a un meme endroit et ne sachant jamais ou Castanet les conduizoit; led Castanet ayant beaucoup d'argent qu'il faizoit rensonner de plusieurs endroits. Led Castanet ayant presché deux fois a l'eglise de St Marcel de Fonfouillouse suivi de sa troupe beaucoup des habitants de la paroisse et des environs y ayant acisté n'en connaissant aucun, led Castanet ayant fait bruslé trois maizons a St André de Valbornie ne sachant a qui elles apartenoit. Il fit ensuitte le soir dans la nuit une assamblée au dessous de St André de Valbornie dans un pré a deux portées de fuzil. Led Castanet y ayant presché y estant veneu plusieurs personnes de St André et des environs que led Cregut ne connut pas. Il feut au Pompidou et ce plaignant que les habitants de Fraissinet de fourques l'avoit menacé de luy brusler sa maison il feut aud Fraissinet avec sa troupe qui a grossy jusques a deux cents, les deux tiers armés ny en ayant jamais plus eu et commanda de brusler et tuer disant que ceux qui ne le faizoit il leur tireroit dessus. Les habitants dud Fraissinet les ayant veus venir ce seroint refugies a la maizon ou ils faizoit corps de garde Castanet et sa troupe ayant mis le feu au lieu tué cinq personnes hommes ou femmes et les habitants auroint tué cinq hommes de la troupe de Castanet; ils feurent au chateau Daires dans lequel temps Larose lieutenant de Castanet feut dans la nuit ne sachant ou avec un detachement de vingt hommes, et ayant revenu. Il le vit portant un justecorps de drap gris de fer galonné dor et une veste rouge galonnée d'argent. Ils feurent au chateau de St Sauveur et a Camprieu ou ils desarmerent le chateau et les soldats et Bourgeoisie de Camprieu. Aux Plantiers une autre troupe de fanatiques en nombre de cent quarante ny en ayant pas la moitié d'armés menés par le nommé Salamon les vint joindre et resterent deux jours avec eux et ensuite cette troupe se retira du costé de la montagne de Louzere; et il fait environ quinze jours que voulant quitter comme il fit aux Plantiers Castanet, il promit de le rejoindre dans deux jours. Estant party avec le nommé Estienne fils de Causses Verdes de Pracoustals, le nommé Thomas d'Aumessas; le nommé Abran ne sachant d'ou il est, le nommé Pompeira de Ganges, un soldat qui avait deserté son capitaine, et un autre homme inconnu aud Cregut repondant; estant en nombre de sept seroint allés le repondant portant son fuzil avec de poudre et trois bales que Larose luy avoit baillé, des Plantiers ou ils laisserent la troupe passerent a Bonperié dessandirent au pont de Cros, passerent a Taleyrac ou l'un des sept feut au vilage achaipter un pain de deux sols qu'ils mangerent, et a Peyrefiche entre Lavals et Mandagout ils se separerent led Cregut repondant et le nommé Causses verdes estant allés pres le mas de Pracoustals paroisse d'Aulas habitation dud Causses verdes dans la claye appellée la Borie du Gendre ou ils ont resté depuis jusques a hier, led François Martin fournié d'Aulas que le repondant avoit connu a l'assamblée qui c'estoit tenue lorsqu'il aidoit a chatagner a Alibert leur ayant porté des vivres, n'ayant veu plus autre personne. et hier environ neuf heures du matin led Martin le sus nommé Lenne predican portant un fuzil et trois pistolets. Le nommé Teulon de la paroisse de Valleraugue faizant le predican armé d'un fuzil et deux pistolets chacun suivi de deux hommes inconnus aud Cregut repondant, lesd deux hommes portant deux pistolets chacun, led Teulon paroissant estre agé d'environ trente ans gravé de la petite verolle, le vizage plain, les cheveux courts et noirs, habillé de minime, de grande taille. Ayant dit aud Cregut repondant et a Causses verdes qu'il faloit qu'ils vinsent avec eux pour aider a tenir une assamblée qu'ils vouloit faire a Salagosses, ce qu'ils auroint offert dans lequel temps lesd Lenne et Teulon parlant des affaires du temps led Teulon dit a Lenne quil estoit cette semaine derniere a la coste de Navés avec six de sa troupe et qu'ayant veu venir les dragons et les autres troupes et le garnison du Vigan ils auroint tiré deux coups de pistolets et ayant monté la coste de la Luzete et ayant trouvé un muletier ils lui auroint dit de dire aux dragons qu'ils les avoit veus et qu'ils estoient en nombre de deux cents qu'ils les attendoit et les dragons ayant monté a la Luzette led Teulon vit qu'ils se jetterent dans un bois et que les dragons les abandonnèrent et ensuitte led Lenne ayant posé le repondant en centinelle près de la montagne de Salagosses ou il resta de onze heures du matin jusques au soir. Led Martin fournié luy ayant porté du vin. Il se tint une assamblée dans le fonds de Salagosses. En nombre de deux cents personnes hommes et femmes du menu peuple de la paroisse d'Aulas led Lenne preschant et plusieurs chantant des psaume led Cregut repondant n'en ayant pas conneu aucun a cauze qu'il estoit loin d'eux. Et le soir led Lenne seroit venu rellever de centinelle led Cregut repondant, led Lenne avec led Cregut et Martin estant allés de compagnie jusque tout près de Breau ou ayant trouvé un homme de Breau qui se dit couzin dud Lenne led Lenne les auroit la quittés et s'en seroit allé avec son couzin vers Breau. Le repondant avec led Martin estant allés a Aulas estant arrivés environ neuf heures du soir. Le repondant connoissant la servante d'Alibert qui est de son village ils seroint passés par la porte du derriere de la maizon dud Alibert et seroint entrés dans la chambre du derriere ou ils auroint trouvé des personnes d'Aulas que le repondant ne connoit pas qui estoint en debauche. La servante leur ayant donné a boire et a manger sans qu'il aye vu Alibert ni sa femme, le repondant portant son justecorps de minime de meme couleur que la veste son chapeau bordé ayant a la mutine un ruban vert et un ruban bleu a la chemize. Et dans le temps qu'il soupoit ches led Alibert il a esté surpris par les troupes de la garnizon de la presante ville, lesquelles ont tué sur le champ led Martin, les autres qu'il trouva en entrant dans lad maison Alibert et sa femme et le repondant ayant demandé la vie en disant qu'il decouvriroit ses complices on ne la pas tué mais on la arresté et mené aux presantes prizons luy ayant osté son justecorps son chapeau luy en ayant baillé un autre et luy ayant pris les bales et poudre qu'il portoit ensemble trois livres quatre sols argent qu'il avoit sur luy et c'est le sujet de sa detension.

Interrogé ou est ce qu'il estoit avant la St Michel dernier

A repondeu qu'il estoit a son vilage ou il a resté depuis le mois de may mil sept cent deux a la rezerve de cinq ou six jours qu'il feut a Camprieu aider au Sr de Camprieu a depiquer ses bleds, sa soeur demeurant avec le Sr de Camprieu pour servante.

Interrogé s'il n'est vray qu'il feut au chateau du Rey la sepmaine derniere avec les autres fanatiques qui y feurent aussi; quel nombre ils estoint qui les commandoit.

A repondeu et denie l'interogatoire

Interogé s'il ne feut aussi avec led Teulon a la montagne de la Luzette la sepmaine derniere dans le temps que les dragons les poursuivoit

A repondeu et denie l'interogatoire

Interogé s'il ne connaissait Castanet avant qu'il feut le joindre a Saumane

A repondeu et denie l'interogatoire

Interogé si dans la troupe de Castanet il n'a conneu d'autres personnes que celles qu'il a dit memes aux assamblées.

A repondeu et denie l'interogatoire et n'avoir reconnu que les personnes qu'il nous a dit

Interogé sy dans le temps que Mr de Julien estoit a Saumane il ny feut avec les autres et la troupe de Castanet pour enlevé les prisonniers que M; De Julien avoit fait

A repondeu que la troupe de Castanet se separa en deux corps l'un desquels feut attaqué M. de Julien et l'autre ou il estoit commandé par Larose feut du costé de Peyrolles.

Interogé qui leur fournissoit la poudre les bales et les vivres.

A repondeu qu'il n'en sait rien.

Interogé s'il ne s'est séparé avec Lenne Teulon et autres de la troupe de Castanet pour venir dans la paroisse d'Aulas faire des assamblées et s'ils n'en ont fait plusieurs autres que celle d'hier et nous decouvrir les personnes qu'il y a reconnu et qui luy ont donné retraite et a manger.

A repondeu et denie de n'avoir reconneu autre personne que celles qu'il a dit dans son discours.

Interogé si le jour que Monseigneur le Marechal de Montrevel arriva en la presante ville du Vigan luy Castanet avec sa troupe nestoint a la coste de Naues

A repondeu et acordé l'interogatoire et qu'ils alloit vers la paroisse d'Aulas mais ayant apris larrivée de Monseigneur le Marechal au pied de Coste de Navés près de la Borie du Crestat ils auroint rembourcé a la montagne de l'Esperou

Exorté a mieux dire la verité

A repondeu l'avoir dit

Lecture faite des interogatoires et reponses contenir verité ny voulant adjouter ny diminuer et na seu signer de ce requis

Et le meme jour a quatre heures après midi

Et ce fait M le compte de Monpeiroux cappitaine de fuzilliers nous a exibé un lettre qu'il a dit avoir trouvé sur ledit Cregut

Laquelle lettre ayant exibé aud Cregut et interpellé s'il la reconnoit a dit que c'est la meme que M le compte de Montpeyroux luy a trouvée ; lad lettre ayant esté par nous parafée et signée au pied et attachée au presant interogatoire et ayant interpellé qui la luy a baillée.

Il a repondeu que hier led Teulon luy bailla lad lettre pour bailler a Castanet.

Interogé s'il a conneu d'autres personnes dans la troupe

de Castanet que les susd.

A repondeu qu'il y conneut un jeune homme nommé la Grandeur de Saumane et le nommé Louzeran de St André de Valbornie.

Interogé si Castanet a fait d'autres assemblées que les susdites

A repondeu qu'il en fit une a Vebron y ayant plusieurs habitants de Vebron et autres des environs

Interogé s'il sait rien de l'enlevement que firent les fanatiques de la poudre que les trouppes de Meyrueis avoit envoyé cherché a Milhau

A repondeu que huit fanatiques des mazages de Massevaques et lieux circonvoisins estant allés ches eux ayant esté avertis par quelqu'un de leurs voisins du convoy de la poudre ils feurent l'enlevé et porterent lad poudre a la troupe qui feut baillé a la Roze lequel en bailla un quart au repondant.

Interogé sy les nommés Abran Toumas et le soldat dezerteur qui vindrent avec liy ne feurent hier a lassamblée

A repondeu et accordé

Interogé s'il n'a un autre nom.

A repondeu que par subriquet on le nomme dit Fouzet

Interogé ou estoit il avant le mois de may dernier

A repondeu qu'il travailloit de son mestier a Coulonniac chés Pierre Jean ou il passa liver dernier.

Exorté a mieux dire la verité.

A repondeu l'avoir dit et lecture faite de ses interogatoires et reponces a dit ses reponces contenir verité ny voulant ajouter ny diminuer et na seu signer de ce requis

Nous ne savons pas ce qu'est devenu Jacques Cregut. Nous savons seulement qu'il a été incarcéré à la prison du Vigan d'avril à novembre 1703, puis qu'il a été transféré au fort de St-Hippolyte où il reste au moins jusqu'au 1er novembre 1704. Nous perdons ensuite sa trace : il n'a probablement pas été envoyé à la potence ou aux galères (nous le saurions par d'autres sources), pas libéré purement et simplement non plus (on ne l'aurait pas gardé autant en prison s'il avait collaboré pleinement avec les autorités). Il peut être mort en prison, être resté enfermé plusieurs années (on est loin de connaître encore le nom de tous les prisonniers et prisonnières de cette période), ou plus vraisemblablement aura été forcé de s'enrôler dans l'armée. Si par hasard ou par recherche quelqu'un avait des éléments pour que l'on retrouve sa trace, nous en serions bien sûr ravis !

Pierre ROLLAND


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Interrogatoire de Marie Alméras

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38 (2)

 

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38. [Ponctuation et accentuation rajoutées]

27e 8bre 1702
Marie Alméras filhe de Pierre Alméras
de Beaumort paroisse de St Jean de Gardonnenque
âgée de 25 ans
Interrogée si [son identité est exacte]
A r{épondu] & a[dmis]
Interrogée si elle n'a entendu publier
Les ordonnances etc
A r. qu'ouy
Interrogée si elle n'a veu et connu
plusieurs des attroupés, si elle ne leur
a porté des vivres, si elle ne les a receu
et cachés dans sa maison
A r. et desnié
Interrogée si elle ne sait qu'ils ont esté à Marouls
A r. et desnié
Int. si elle ne sait que Anne Alméras
Sa filhe sœur les a aporté des vivres
le jour du combat à un bois près dudit
Marouls
A r. et desnié

Interrogatoire de Damaris Dupuy

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38 (5)

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38. [Ponctuation, majuscules et accentuation rajoutées]

Du 27 8bre 1702
Damaris Dupuy filhe de Louis du lieu
de Falguières, par. de Dt Jean de Gard.
agée de 25 ans
Interrogée si [son identité est exacte]
A r{épondu] & a[dmis]
Interrogée si elle ne cognoist la plus
grande partie de ceste troupe, si elle ne
les a veux, si elle ne les a porté des vivres
et si elle ne les a donné retraite dans sa
maison ou ailleurs
A r. et desnié
Int. où est ce qu'elle estoit le jour de la St
Michel dern.
A r. qu'elle estoit au lieu de Clairan dans
la maison du nommé Anthoine Prades son oncle
Int. si elle n'est fanatique
A r. que non mais qu'elle ne crois pas
damnés
Exorte...
elle

Trois circulaires de Basville

AD34 C183.606

Nicolas de Lamoignon

Vu la procédure faite par le Sr Caubemalie au sujet de l'assassinat commis en la personne de Pierre Alier berger en date du 10 septembre dernier, les interrogatoires et réponses du nommé Aumier du 10 septembre dudit, les conclusions du procureur du Roy du 29 du mesme mois,

Nous avons déclaré la capture dudit Aumier bien faite. Ce faisant ordonnons que les témoins ouis et informerons autres qui pourraient être ouis de nouveau. Ils seront recolés en leurs dépositions et si besoin est confrontés aux accusés. Pour ce fait a communiqué au procureur du Roy être fait droit ainsi qu'il appartiendra et que les nommés Henry Castanet prédicant, Lacombe Sr de la Devese seront pris et saisis au corps et conduits dans les prisons de la citadelle, sinon et après perquisition faite de leur personne seront assignés à quinzaine et à 8ne après par un seul cri public, leurs biens saisis et annotés conformément à l'ordonnance faite à Montpellier le 7 octobre 1702

Delamoignon

AD34 C183.613

Nicolas de Lamoignon

Vu les interrogatoires et réponses faits par Jacques Donnadieu devant le sr Campredon le 11 7bre dudit devant le sr Loys, et les 16, 17 et 19 dudit mois, celles par lui faites sur la sellette et sur le banc de gesne le 21 du même mois, les interrogatoires de Jean Herail faits devant les sieurs de la Bruguière et Loys les 10, 11 et 16 dudit mois, aussi interrogatoires sur la sellette et banc de gesne dudit jour 21 septembre, les interrogatoires de Pierre Salles faits devant ledit sieur Loys et ceux faits sur la sellette et sur le banc de gesne du mesme jour, conclusions du procureur du Roy du 30 dudit mois,

Nous ordonnons que les nommés Deleuse d'Elzet et Bastide de Pomerols, un homme habillé de noir petit de taille qui portait une hallebarde, un homme de Brouset habillé de serge obscure, un homme de St Alary dont le frère a épousé la soeur du curé du lieu, Pelatan d'Euset, Devese et Rouvière de Brenoux et Nouguier cardeur de laine de St Martin de Bobaux seront pris au corps et conduits dans les prisons de la citadelle de cette ville pour être interrogés sur les faits résultant des charges et le procès à eux fait suivant les ordonnances, leurs biens saisis et annotés et à iceux établi commissaire ce qui sera exécuté nonobstant opposition, sinon et après perquisition faite de leurs personnes seront assignées à quinzaine, à 8ne par un seul cri public conformément à l'ordonnance faite à Montpellier le 7 octobre mil sept cent deux

Delamoignon

Nicolas de Lamoignon

Vu l'information faite par le sieur Blanc juge de Caveyrac le 27 aoust dernier, les conclusions du procureur du Roy du 25 7bre aussi dernier

Nous avons ordonné que les nommés Pierre Seguin et son second fils de Caveyrac, le fils aîné de Me Raymond cordonnier, les deux fils et la femme d'Anthoine Saussine, un autre des fils ainés de Pierre Garnier (Sanier ?), Jeanne Bousanquet, Jeanne Combes, le nommé Redeville grand de taille homme d'environ 40 ans le visage long dud lieu de Caveyrac, seront pris et saisis au corps et conduits aux prisons de la citadelle de cette ville pour être interrogés sur les faits résultant des charges et le procès à eux fait suivant les ordonnances, sinon et après perquisition faite de leur personne seront assignés à quinzaine et huitaine après par un seul cri public leurs biens saisis et annotés conformément à l'ordonnance

fait à Montpellier le 7 octobre 1702

Delamoignon

Textes communiqués par Henry Mouysset, transcrits par Pierre Rolland

Interrogatoire de Abraham Pouget

AD34 C183.670

Interrogatoire du 13 septembre 1702
Avons mandé venir en la chambre du Conseil l'accusé cy après nommé, de luy serment pris de dire vérité
Interrogé de son nom, âge, qualité et demeure et religion
A dit s'appeler Abraham Poujet, du lieu de Ruffières, âgé de 47 à 48 ans, travailleur de terre, qu'il est catholique, apostolique et romain
Interrogé s'il n'a pas été à l'assemblée de Ruffières et à d'autres et s'il n'y a pas prêché
A denié
Interrogé s'il n'a pas entonné des psaumes dans l'assemblée de Ruffières
A denié
Interrogé s'il ne s'est pas sauvé de sa maison et pourquoi
A dit que c'est parce qu'on l'avait menacé de le faire prendre
Interrogé s'il n'était pas à la Baraque de Gibert trois jours après l'assassinat de Mr l'abbé du Chaila
A denié
Interrogé s'il ne connait Laporte et s'il n'a été aux assemblées avec lui
A dit qu'il connait la Porte pour être de son lieu, mais qu'il n'a jamais été en aucune assemblée avec lui
Lecture faite a exhorté de mieux dire la vérité, a dit l'avoir dite, a persisté et signé

Pouget

Texte communiqué par Henry Mouysset, transcrit par Pierre Rolland

Relation de quelques entreprises des fanatiques dans les Sévennes

Archives Nationales. TT3 240 dossier II, folios 81 à 83

Cette relation, à notre connaissance inédite, fait partie du lot de correspondances avec l’évêque d’Uzès que nous avons vu avec le récit de la mort de l’abbé du Chaila, et présente l’intérêt de raconter les débuts de la guerre dans la région de Branoux, Laval, et le Collet-de-Dèze, pour laquelle nous n’avons pas beaucoup de témoignages. On notera en particulier le récit de la première bataille de la guerre des camisards, la bataille de Champdomergue.

Après les meurtres et assassinats de mr l'abbé de Cheyla, de quelques curés, de la famille de mr de la Devèze, de mr de St Côme et de quelques autres, plusieurs prêtres curés au nombre de 120 environ ont quitté leurs paroisses et se sont retirés en la ville d'Alès dont quelques-uns du diocèse d'Uzès. Pour prévenir une désertion plus grande dans le diocèse d'Uzès, mr l'Evêque a indiqué sa visite dans les doyennés les plus voisins des lieux où ces meurtres ont été commis pour animer par sa présence les curés de son diocèse. Ces doyennés sont ceux de St Ambroix, de Sénéchas et de Gravières, aux doyens desquels led sr Eveque a indiqué sa visite par ses lettres du 28e août dernier.

Le 31e dudit mois les fanatiques au nombre de douze environ entourèrent la maison claustrale du sr Gibelin prieur curé de Blannaves du doyenné de Sénéchas, brisèrent les portes du presbytère et le cherchèrent jusque dans la cuve et les tonneaux de la cave, mais inutilement, s'étant retiré à Alès sur les avis qui lui avaient été donnés.

La nuit du 3 au 4 ces scélérats au nombre de 40 environ bien armés furent chez le sieur Faucher prieur-curé de St-Just qui était absent, enfoncèrent la porte et la percèrent de plusieurs coups, traitèrent très mal le valet, prirent 4 fusils, brisèrent les tableaux et images qui étaient dans la chambre et dirent à ce valet qu'ils sauraient bien une autre fois le trouver, ils prirent dans ce lieu six armes à feu et quelques bayonnettes.

Ces mêmes scélérats furent la même nuit à Esplan, maltraitèrent les soldats de bourgeoisie et prirent leurs armes.

Mr le chevalier d'Aiguines gouverneur d'Alès envoya un exprès aud sr Evêque qui faisait sa visite au doyenné de St Ambroix, pour lui donner avis de ne pas monter dans les Cévennes, sur ce que le nombre de ces misérables augmentait, mais comme son retour avait eu un mauvais effet à l'égard des curés qui avaient été convoqués, il crut ne devoir pas changer les ordres qu'il avait donné.

La nuit du 4 au 5 ces scélérats au nombre de 40 environ furent au mas d'Aubenas de la paroisse de Laval, ils entourèrent la maison du nommé Reboul le plus considérable dud lieu, le prirent, lui donnèrent des coups de baton et de bayonnettes, et le laissèrent comme mort, le vicaire et secondaire de lad paroisse de Laval lui donnèrent ensuite l'extrême onction.

De là ils furent au lieu de la Favède de la même paroisse de Laval, une partie de ces scélérats entourèrent les maisons de quelques anciens catholiques qui s'étaient évadés, et les autres s'assemblèrent devant la maison du principal habitant où ils prêchèrent en fanatiques avec leurs postures ordinaires. Comme cette maison était hors d'insulte, ils ne purent y entrer, et dans la crainte du feu le maître leur rendit les armes par la fenêtre, la plus part des autres anciens catholiques s'étaient retirés, ils enlevèrent de ces lieux 12 à 15 armes à feu.

Le 8e dudit mois Jean Paradis habitant de St Frezal de Ventalon diocèze de Mende vint trouver led sr Eveque d'Uzès à Génolhac pour lui donner avis que sur les huit heures du matin 25 de ces fanatiques s'étaient adressés aux consuls, qu'ils les avaient maltraités, qu'ils avaient cherché le sr Gausse curé après avoir enfoncé la porte de la maison presbytérale, qu'ils étaient entrés dans l'église où ils avaient rompu le tabernacle, renversé les stes huiles, le valet du curé ayant été témoin de toutes ces circonstances. Ils ont pris dans ce lieu 10 à 12 armes à feu.

Ledit sieur Gausse curé et le sr Hours secondaire de ladite paroisse de St Frezal sont arrivés à Genolhac fort alarmés qui ont confirmé les circonstances ci-dessus.

Le 9 à 7 heures du matin est arrivé audit Genolhac le curé du Coulet diocèse de Mende, lequel a rapporté que la nuit ces scélérats attroupés étaient venus audit lieu, ou le sieur de Cabrières gentilhomme capitaine de bourgeoisie est en quartier, et d'où il était sorti sur un faux avis que ces scélérats lui avaient fait donner d'une assemblée, ils entrèrent dans l'église qui était autrefois le temple, ils y chantèrent en fanatiques et prirent le calice, de là ils furent chez mr le sieur de Cabrières auquel ils prirent quelques hardes et munitions de guerre, ils furent au corps de garde pour y enlever les armes, mais on y avait donné ordre.

Le sr de Cabrière ayant été averti que m Poul capitaine arrivait avec un détachement dans le même temps se joignit à lui avec quelques autres troupes du fort d'Alès, ce qui composa un petit corps de 70 hommes environ bien conditionné.

Ces scélérats fanatiques étant de retour du Coulet s'assemblèrent sur la hauteur de Champdoumergue diocèse de Mende environ les huit heures du matin dudit jour 9e où ils furent aperçus par les notres lesquels marchèrent droit à eux. Les fanatiques firent ferme et chantèrent des psaumes et ensuite ils avancèrent ainsi que les notres avec un air de bravoure. Ils firent leur décharge en bon ordre, mais après ils fuirent et suivis par nos troupes autant que la force le leur pouvait permettre ayant marché toute la nuit et n'ayant pris aucun aliment.

Il y a eu 25 de ces misérables tués sur la place, 3 ou 4 de pris dans les poches desquels on a trouvé les pièces d'un calice. De notre part le beau-frère de mr Poul a été blessé au bras, mr du Gibertin n. c. fort zélé blessé à mort, un lieutenant du fort d'Alès blessé et 4 ou 5 soldats blessés.

Le 20e est arrivé à Genolhac le sr Pagès prêtre prieur de St Hilaire diocèse de Mende lequel a dit savoir par des personnes de probité que ces scélérats s'étaient plaint que led sr Eveque fut dans le voisinage à y faire sa visite et qu'ils l'empêcheraient bien de la continuer.

Ledit sr Prieur a rapporté que led sr Poul avait eu avis qu'à 9 heures du matin ces misérables s'étaient ralliés au nombre de 300 environ au même camp et sur la hauteur de Champdomergue, quelques uns croient que c'est pour retirer et enterrer les corps morts pour qu'ils ne puissent pas être reconnus.

Mais mr de Broglie et mr de Baville informés de ces circonstances ont donné les ordres necessaires pour exterminer cette canaille de fanatiques, et on apprend que 5 compagnies de la marine ou autres troupes y arrivent incessament.

Interrogatoire de Jean Astruc dit Mandagout

AD34 C183.668

Interrogatoire

Du 13 septembre 1702

Avons mandé venir dans la chambre de conseil l'accusé cy après nommé après de lui serment pris et dire vérité

Interrogé de son nom, age, qualité et demeurre et religion
A dit s'appeler Jean Astruc, qu'il est âgé de 47 à 48 ans, qu'il est catholique apostolique et romain, masson de son métier, d'Alais

Interrogé pourquoi il a quitté sa famille, a dit que ç'a été pour aller à la suite du sr Coulas pour porter ses violons (?), qui lui promit de lui donner 15 sous par jour, qu'ensuite il a été dans divers lieux où il a travaillé à son métier savoir Avignon, Bourbon, Tarascon et Beaucaire

Interrogé s'il n'a pas été à l'assemblée de Pierremalle et à celle de Ruffières

A denié

Interrogé s'il n'est pas vray qu'il a tiré un coup de pistolet à Pradelles et ensuite qu'il l'a blessé d'un coup de pierre

A denié

Interrogé s'il n'a pas dit au nommé Fors (?) que lui qui répond est prédicant, qu'il a été au Pont de Monvert, qu'on l'avait pris pour un espion et qu'il avait eu peur et qu'on avait été obligé à luy donner de l'eau de vie et qu'il avait prêché pour faire connaître qui il était

A denié

Interrogé s'il n'a pas dit audit Fors qu'au premier jour il y aurait deux cents personnes assemblées qui abattraient les églises et tueraient tous les catholiques

A dénié

Interrogé s'il n'était pas associé avec le nommé Bres pour prêcher alternativement

A denié

Lecture faite de son interrogatoire, exhorté de mieux dire la vérité, a dit l'avoir dite, et n'a signé pour ne le savoir, et a interpellé

Texte communiqué par Henry Mouysset, transcrit par Pierre Rolland

Circulaire de Bâville

AD34 C4702

Nicolas De Lamoignon

Vu la procédure faite par les sieurs officiers du Pré[si]dial de Nismes séant en Gévaudan au sujet des assassinats commis en la personne des Srs abbé du Chayla, curés de Frugères et de St André de Lancize, des Srs de la Devèze frères, de la dame leur mère, leur soeur et autres, des crimes de sacrilège, incendies, et de vol commis par les nommés Pierre Séguier dit Esprit, Pierre Nouvel, Moyse Bonnet et autres leurs complices, les jugements desdits sieurs commissaires rendus en dernier ressort, qui condamnent à mort lesdits Séguier, Nouvel et Bonnet, les décrets de prise de corps, jugements préparatoires et interlocutoires desdits commissaires contre plusieurs accusés desdits crimes des 5, 7 et 10 du présent mois d'aoust, procès verbal de question contenant les interrogatoires et réponses des nommés David Pascal, Jean Laval, Simon Serres, Jean Pelatan, Pierre Soulages, Jeanne Rouvière et Susanne Megesse, et la continuation d'information faite devant le sr Loys notre subdélégué et les conclusions du Procureur du Roy au Sénéchal de cette ville,

Nous avons déclaré la capture de David Pascal, Jean Pelatan, Suzanne Megesse bien faite et en conséquence ordonnons que le procès leur soit fait extraordinairement, auquel effet que les témoins ouis seront recolés a leurs dépositions et si besoin est confrontés aux accusés pour ce fait et communiqué au Procureur du Roy [pour] être fait droit ainsi qu'il apparaitra, et que les nommés Abraham de St Jean de Gardonnenque âgé de 28 ans ou environ, médiocre taille, Salomon Couderc de Vieljouve, Pierre Jouanenc du lieu de Chavagnan [pour Cassagnas], Jean Falguerolles, le fils aîné de Moyse Bonnet manchot, Louis Bounil [Bonnet?] de Peyremalle, La Porte prédicant, Jacques Thérond du lieu de Prades paroisse de St Martin de Bobaux, le nommé François du lieu de Rieumal, Combes de Villeneuve paroisse de Fregeires [Frutgères], Larrié de St André de Lancize, les deux fils de Pascal hoste du Rouve, Martin cy devant valet dudit Pascal, David Deleuse et son frère. Un autre nommé Deleuse du lieu de Lancise, le nommé Jean du mas de Rabieux [Rabiès], le batard du Baille de Travusa [pour Trabassac?], Jaqueton du lieu de Vieljouves, le nommé Martel de la paroisse de St-Hilaire, meunier. Couderc de Masarousa [Mazelrosade]. Le nommé Fieu [Frere?] agé de 23 ans ou environ, Pierre petit homme trapu qui est du côté de St Germain. Le nommé Nicolas [Joiny] neveu de Bonnet du lieu de Valeyguierre [Valignières] près Génolhac et un oncle du nommé Couderc agé d'environ cinquante cinq ans, seront pris au corps et conduits dans les prisons de cette ville pour etre ouis et interrogés sur les faits des procédures, sinon et après perquisition faite de leurs personnes, seront assignées à la quinzaine et par un cry public a huitaine, leurs biens saisis et annotés suivant l'ordonnance, et au surplus que les autres décrets de prise de corps et jugements préparatoires et interlocutoires rendus par les sieurs officiers du Présidial de Nîmes séant en Gévaudan des 5, 7 et 10 dudit mois et autres actes servant à l'instruction du procès seront exécutés en ce qui reste et notre autorité nonobstant opposition ou appellation

Fait à Montpellier le vingt neuvième aoust 1702

[signé] Delamoignon

Ce texte a déjà été publié, mais avec des fautes de lecture, par l’abbé Rouquette (L’abbé du Chayla et le clergé des Cévennes), et sera republié prochainement dans un livre retraçant "au jour le jour" les débuts de l’insurrection : Les premiers camisards, juillet 1702 par Henry MOUYSSET