Auteur/autrice : manu
Daniel Guy
GUY (dit BILLARD) Daniel, de Nîmes, né vers 1668. Prophète de la troupe de CAVALIER et son principal lieutenant, il est blessé à Pompignan. Parti en exil avec CAVALIER (il figure sur les listes comme "Daniel Billard, lieutenant, petite taille cheveux noirs") il fut son lieutenant-colonel en Suisse (il y est pensionné comme officier de février à avril 1705 (Listes Pap. Court vol 33). Il revint en France avec Abraham MAZEL et Antoine DUPONT en mars 1709 pour tenter de soulever le Vivarais (Bosc V 899) et est tué (au hameau de Vors près St Etienne de Serres pour Court, près de Gilhoc pour de Courten et EBRUY (juillet 1709). Son cadavre est exposé sur la roue à Vernoux.
Sources : Bosc I 544, III 675, Listes ADHérault C 189.50, et Guerre A1 1799 f° 214
Chrystel Bernat
chrystel.bernat@ephe.sorbonne.fr
Chargée de conférences à l'École Pratique des Hautes Études - Section des Sciences Religieuses (Paris) :
Intolérances réflexives. Religion, altérité et violences en France au XVIIIe siècle. Chaire : Protestantismes et culture dans l'Europe
moderne (XVIe - XVIIIe siècles).
Chercheur associé du Laboratoire d'Études sur les Monothéismes (UMR 8584 CNRS - EPHE - Université de Paris IV).
Docteur Thèse de doctorat : Une guerre sans épithète : les troubles des Cévennes au prisme catholique. Déchirures civiles
et violences de religion (vers 1685 - vers 1710) soutenue le 20.12.2008 à l'École Pratique des Hautes
Études, Section des Sciences Religieuses, Paris - Sorbonne. Jury : M. Hubert Bost (directeur de
thèse), M. Olivier Christin, Mme Arlette Farge, M. Philippe Joutard et M. Didier Poton.
Boursière de l'École Française de Rome (2001-2003).
Travaux et publications (état : janvier 2010)
Travaux universitaires :
· Une révolte et sa contre-révolte. L'action des catholiques pendant la guerre des Cévennes (1702-1707), Mémoire de maîtrise,
Toulouse, Université de Toulouse II - Le Mirail, 1997, 263 p.
· La mobilisation des catholiques pendant la guerre des Cévennes (1702-1707), Mémoire de Diplôme d'Études Approfondies,
Toulouse, Université de Toulouse II - Le Mirail, 1998, 253 p.
· Une guerre sans épithète : les troubles des Cévennes au prisme catholique. Déchirures civiles et violences de religion (vers 1685 - vers
1710), Thèse de doctorat en histoire des religions, Paris, EPHE, 2008, 3 tomes, 966 p. [publication en cours]*.
Directions d'ouvrages :
· Eckart Birnstiel en collaboration avec Chrystel Bernat (dir.), La Diaspora des Huguenots. Les réfugiés protestants de France
et leur dispersion dans le monde (XVIe - XVIIIe siècles). Préface de Philippe Joutard, conclusion de Chantal Bordes-
Benayoun, Paris, Honoré Champion, 2001, 202 p.
· Chrystel Bernat (hg), Die Kamisarden. Eine Aufsatzsammlung zur Geschichte des Krieges in den Cevennen (1702-1710). Mit
einem Vorwort von Philippe Joutard. Aus dem Französischen u¨bertragen von Eckart Birnstiel, Bad Karlshafen, Deutschen
Hugenotten-Gesellschaft, 2003, 297 p.
Contributions à des volumes collectifs :
· "Le contrôle malaisé d'un feu intérieur ou la périlleuse gestion de la contre-révolte catholique durant la guerre des
Cévennes", in : Religions et pouvoirs dans le Midi de la France de l'Antiquité à nos jours. Actes du LXXe Congrès de la
Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Nîmes 1998, Nîmes, Société d'Histoire Moderne et
Contemporaine de Nîmes et du Gard, 2001, p. 95-114.
· "La guerre des Cévennes ou le clergé mis à l'épreuve", in : Patrick Cabanel, Philippe Joutard (dir.), Les Camisards et
leur mémoire 1702-2002. Colloque du Pont-de-Montvert des 25 et 26 juillet 2002, Montpellier, Les Presses du Languedoc,
2002, p. 85-101.
· "Die Katholiken : die dritte Kraft im Cevennenkrieg", in : Chrystel Bernat (hg.), Die Kamisarden. Eine
Aufsatzsammlung zur Geschichte des Krieges in den Cevennen (1702-1710). Mit einem Vorwort von Philippe Joutard. Aus dem
Französischen u¨bertragen von Eckart Birnstiel, Bad Karlshafen, Deutschen Hugenotten-Gesellschaft, 2003, p. 93-115.
· "Terre camisarde et théâtre d'opposition catholique : la Vaunage durant les troubles des Cévennes entre répression
d'État et violences de Religion", in : Jean-Marc Roger (dir.), La Vaunage au XVIIIe siècle (1685-1787). Préfaces
d'Emmanuel Le Roy Ladurie et de Philippe Joutard, t. II, Nîmes 2005, p. 657-689.
· "De l'alliance improbable à l'union interdite : formes de coexistence et porosité des frontières confessionnelles
entre catholiques et protestants en guerre, Languedoc vers 1685 - vers 1715/1730", in : Didier Boisson et Yves
Krumenacker (éd.), La coexistence confessionnelle à l'épreuve. Études sur les relations entre protestants et catholiques dans la
France moderne, Lyon, Université Jean Moulin [Chrétiens et Sociétés. Documents et Mémoires n°9], 2009, p. 169-192.
· "Les anges et l'autel : prophétisme, iconoclasme et identités confessionnelles - Languedoc, XVIIIe siècle", in :
Adriana Destro, Jean-Daniel Dubois (dir.), Visions, images et communautés religieuses, Turnhout, Brepols, 2010 [sous
presse].
· "L'économie de la violence : religion et modèles insurrectionnels. Recherches sur les derniers troubles du
Languedoc, 1702-1710", in : Isabelle Bouvignies, Frédéric Gabriel, Marco Penzi (dir.), Les guerres de Religion en
France. Historiographie, méthodologie, histoire des idées politiques, Lyon, ENS Éditions, 2010 [à paraître].
· Présentation et annotation de deux lettres pastorales de l'évêque Esprit Fléchier (1632-1710), in : Bernard Lauret
(dir.), Anthologie théologique, Paris, Éditions du Cerf, 2010, volume des Temps modernes (1600-1750) [Le faire croire en
crise] sous la direction de Daniel-Odon Hurel et Maria-Christina Pitassi avec la collaboration de François
Laplanche [à paraître].
· "Persécutions débridées et violences sans éclat. Minorités au combat et coulisses oppressives d'une société en
guerre (Languedoc, 1685-1715)", in : Patrick Cabanel, Joe Ruane (dir.), Religion et violence, mémoire et identité : les
relations entre protestants et catholiques en France et en Irlande, XVIe - XXIe siècles, Toulouse, Presses Universitaires du
Mirail, 2010 [à paraître].
· "La guerre au nom de Dieu. Légitimités fratricides au tournant du Grand Siècle", in : Rémi Fabre, André Encrevé
(dir.), Guerre juste et juste guerre : les justifications de la guerre de l'Antiquité au XXIe siècle, Rennes, Presses Universitaires
de Rennes, 2010 [à paraître].
Articles de revue à comité de lecture :
· "La guerre des Cévennes : un conflit trilatéral ?", Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français 148/2002,
p. 461-507.
· "La guerre des Cévennes (1702-1707). Camisards, catholiques civils et troupes royales : de l'affrontement bilatéral
au triptyque insurrectionnel ?", Études Théologiques et Religieuses 77/2002, p. 359-383.
Présentations des travaux de recherche (travaux doctoraux et positions de thèse) :
· Revue de l'Histoire des Religions 226/2009, p. 639-650.
· Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français 155/2009, p. 727-730.
· Revue Mabillon 81/2009 [sous presse].
· Résumé de thèse disponible sur le site du Laboratoire d'Études des Monothéismes (http://lem.vjf.cnrs.fr/theses.htlm).
* Un exemplaire de la thèse est disponible à la Bibliothèque du Protestantisme Français (54, rue des Saints-Pères,
75007 Paris).
Présentation du Projet de recherches en vue de la thèse de Doctorat d'Histoire Moderne
Le projet de recherche a pour thème principal la mobilisation catholique
pendant la guerre des Cévennes à travers le prisme de l'étude d'une
révolte et de sa contre-révolte. Le sujet a pour cadre géographique le
Bas-Languedoc et plus précisément les cinq diocèses de Mende, Alès, Uzès,
Nîmes et Montpellier, théâtre de la révolte des Camisards et champ de
manouvres des opérations catholiques recensées entre 1702 et 1710.
Cependant, les investigations ont également pour finalité d'étudier les
antécédents autant que le prolongement de l'affrontement confessionnel et
les réminiscences de violences entre catholiques et protestants qui
s'exprimèrent encore au milieu du XVIIIe siècle (1685-1752), tout en
observant les manifestations connexes de la guerre aux périphéries
immédiates: Rouergue, Avignonnais, Comtat Venaissin, Principauté d'Orange,
une place singulière étant accordée à la position et au rôle du
Saint-Siège durant le conflit religieux des Cévennes.Les recherches prennent en égale considération les expressions de
rivalités et de solidarités inter et intra-confessionnelles au profit
d'une étude englobante des manifestations catholiques allant de la
solidarité à l'opposition et de l'officiel au subversif. Elles intègrent
par ailleurs la position du clergé, ses initiatives contre-camisardes, et
sa politique adoptée face aux déchirements des deux confessions. Le projet
s'accompagne d'une analyse des peurs et des dérèglements de la vie
catholique, d'une étude de la construction ou de la résurgence du
martyrologe catholique, ainsi que d'une analyse des mécanismes de défense,
de riposte, ou de recours aux armes menant jusqu'aux phénomènes de
débordements populaires et parfois jusqu'au basculement dans la
subversion.Le projet de recherches vise en outre à cerner le profil socio-économique
des protagonistes catholiques, les motivations de l'engagement dans le
combat anti ou pro-camisard et la gestion politique et militaire des
manouvres catholiques, en tâchant d'analyser la part d'efficacité de la
mobilisation civile, en s'interrogeant notamment sur l'obstacle qu'elle
put constituer à l'insurrection camisarde ou le second feu intérieur
qu'elle forma pour les autorités provinciale et royale.Contre-révolte ou révolte à part entière, la mobilisation polymorphe des
catholiques amène à s'interroger sur la validité d'un triptyque
insurrectionnel au sein de la guerre des Cévennes. Le projet de thèse
ainsi consacré à restituer la part de catholicité du conflit, entend
également dégager les césures dans l'évolution du catholicisme
languedocien, et s'interroger sur la question des modèles
insurrectionnels.
Comité de rédaction
Ci-dessous les membres du Comité de Rédaction de camisards.net:
Christel Bernat
Chargée de conférences à l'École Pratique des Hautes Études - Section des Sciences Religieuses (Paris) Chercheur associé du Laboratoire d'Études sur les Monothéismes (UMR 8584 CNRS - EPHE - Université de Paris IV).
Docteur Thèse de doctorat : Une guerre sans épithète : les troubles des Cévennes au prisme catholique. Déchirures civiles et violences de religion (vers 1685 - vers 1710) soutenue le 20.12.2008 à l'École Pratique des Hautes Études, Section des Sciences Religieuses, Paris - Sorbonne.
Richard Bousiges
Directeur d'hôpital, thèse d'histoire en cours, auteur de :
- "Un village catholique pendant la guerre des camisards, Saint-Florent 1703-1705", Librairie occitane 1995.
Patrick Cabanel
Professeur des universités à Toulouse II Le Mirail
Auteur (entre autres) de :
- "Cadets de Dieu, Vocations et migrations religieuses en Gévaudan XVIIIe-XXe siècle" (livre issu de sa thèse), CNRS Editions, 1997.
- "Histoire des Cévennes" (Que sais-je PUF 1998)
Co-auteur de :
- "Lozériens connus ou à connaître" 1992.
Co-directeur de
- "Cathares et camisards. L'œuvre de Napoléon Peyrat" Presses du Languedoc 1998
Directeur de :
- "Itinéraires protestants", 3 tomes, Presses du Languedoc 1998-2000
Jean-Paul Chabrol
Professeur à l'IUFM de Marseille
Auteur de :
- "La Cévenne au village" Edisud 1983
- "Les seigneurs de la soie", Presses du Languedoc 1994-
- "Elie Marion le vagabond de Dieu" Edisud 1999
Co-auteur de :
- "Itinéraires protestants" tome 1 Presses du Languedoc 1998
Max Chaleil
Editeur des Presses du Languedoc, ayant à son catalogue de nombreuses références camisardes, et en particulier la monumentale "Guerre des Cévennes" d'Henri Bosc
- Auteur d'un roman historique consacré au chef camisard Rolland : "Le sang des justes" (aux éditions Denoël 1985)
Pierre Coulet
Professeur honoraire des Universités (Lyon 1- Sciences)
Ancien directeur d'une unité de recherche CNRS (UMR) en Sciences de la Vie
Membre du conseil d'Administration de "Patrimoine Huguenot d'Ardèche"
Centres d'intérêt actuels :
- Mouvement de 1683 en Vivarais (projet de Toulouse)
- Insurrection camisarde en Vivarais d'Abraham Mazel en 1709 (Leyrisse)
Hugues Daussy
PRAG en histoire (histoire moderne) à l'Université Paul Valéry (Montpellier III), qui a soutenu sa thèse : Les huguenots et le roi. Le combat politique de Philippe Duplessis-Mornay (1572-1600), 2 volumes, 1232 pages, sous la direction d'Arlette Jouanna
Philippe Joutard
Professeur d'Histoire Moderne à l'Université de Provence, Directeur d'Etudes à l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes En Sciences Sociales)
Auteur de (en s'en tenant aux ouvrages traitant en totalité ou partiellement des camisards) :
- "Journaux camisards" 10/18 UGE 1965)
- "La légende des camisards, une sensibilité au passé", livre issu de sa thèse de doctorat
- "Les camisards"
Co-auteur de :
- "Une foi enracinée, la Pervenche" (en collaboration avec Henri Manen) 1972
Directeur de :
- "Les Cévennes de la montagne à l'homme" Privat 1991
Est également l'auteur de nombreux articles et préfaces de livres consacrés aux camisards.
Greg Monahan
Professeur d'histoire moderne et contemporaine, Eastern Oregon University,
La Grande, Oregon, USA.
Conférencier, écrit actuellement un ouvrage sur les camisards
Henry Mouysset
Instituteur en Lozère, redécouvreur du site des Trois fayards et auteur de :
- "Les premiers camisards, juillet 1702" (Presses du Languedoc 2002)
Didier Picheral
Vice président de Patrimoine Huguenot d'Ardèche, économiste de formation, a abordé l'histoire des camisards à partir des recherches (amateurs) menées pour recenser les lieux de mémoire protestants en Ardèche (publiés dans Chemins Huguenots d'Ardèche).
Pierre Rolland
Géographe-cartographe
Auteur de :
- "Dictionnaire des camisards" Presses du Languedoc 1995
- "Chronique des luttes religieuses en hautes Cévennes, 1550-1740, Lamelouze et St-Martin-de-Boubaux" Presses du Languedoc 2002
Co-auteur de :
- "Itinéraires protestants" Presses du Languedoc tomes 1, 2 et 3 (1998-2000)
Pierre Rolland assure actuellement le secrétariat du site
Robert Sauzet
Historien, professeur émérite à l'Université de Tours, auteur de nombreux ouvrages dont :
- "Le notaire et son roi" (Plon 1998)
- "Les Cévennes catholiques, histoire d'une fidélité, XVIe-XXe siècle" (Perrin 2002).
Daniel Travier
Fondateur du Musée des Vallées Cévenoles à St-Jean-du-Gard
- Auteur d'ouvrages ("Le temps cévenol") et de nombreux articles sur les Cévennes,
Co-auteur de :
- "Itinéraires protestants" Presses du Languedoc tome 1
- "Les Cévennes de la montagne à l'homme" Privat 1991
- "L'image et le regard" Presses du Languedoc 1993
Jacques Verseils
Enseignant retraité
Ancien président de l'association Abraham Mazel
http://www.abrahammazel.eu
Daniel Vidal
Directeur de recherche au CNRS
Auteur de :
- "L'ablatif absolu" Anthropos 1977
- "Le malheur et son prophète". Inspirés et sectaires en Languedoc calviniste (1685-1725) Payot 1983
- "Fanatiques et insurgés du Vivarais et des Cévennes" , récits et lettres d'Esprit Fléchier, 1685-1705 (Editions Jérôme Millon).
Gregory Monahan
La Grande, Oregon, USA, 1986-présent.
Ph.D. (doctorat), West Virginia University, 1985; M.A., University of North
Carolina at Chapel Hill, 1977; B.A., University of Iowa, 1975.
Publications:
"Year of Sorrows: The Great Famine of 1709 in Lyon-". Columbus, Ohio: Ohio
State University Press, 1993.
"Heroes or Thieves: Catholic Vigilantes in the War of the Camisards."
Proceedings of the Western Society for French History 24 (1997): 365-376.
"Lyon in the Crisis of 1709: Royal Absolutism, Administrative Innovation
and Regional Politics." French Historical Studies 16, No. 4 (Fall 1990):
833-848.
"The Archives of Lyon: Opportunities and Challenges for the Study of
Eighteenth-Century France." Primary Sources and Original Works I, Nos. 1-2
(1991): 95-106.
"Popular Violence and the Problem of Public Order in the Old Regime: The
Case of Lyon in 1709." in Donald Horward, ed., Consortium on Revolutionary
Europe. Bicentennial Proceedings: 1989. Pp. 653-660.
Répertoire numérique des papiers de famille: Série EP 292-317: Châteauneuf
de Rochebonne. Lyon: Archives Départementales, 1983.
Conférences sur les camisards:
"Our Poor Allies: The Camisards and His Grace, the Duke of Marlborough."
Presented at the Annual Meeting of the Society for French Historical
Studies, Arizona State University, Tempe, Arizona, March, 2000.
"Prophetesses and Rebels: Women and the War of the Camisards." Delivered
to the annual meeting of the British Society for the Study of French
History, University of Birmingham; Birmingham, United Kingdom, March, 1997
and the Vann Seminar, Emory University, Fall, 2000.
"Between Two Thieves: The Protestant Nobility and the War of the
Camisards." Delivered at the annual meeting of the Society for French
Historical Studies in Washington, D.C., 1998.
Les camisards en Suisse
Lettre du résident français à Genève, monsieur de La Closure, à l'intendant Basville,
sur les intentions des camisards réfugiés en Suisse.
Document inédit communiqué par Greg Monahan, universitaire et chercheur américain, membre de notre comité de rédaction.
Source: Archives des Affaires Étrangères, Correspondance Politique, République de Genève 25, fols. 112-113
26 novembre 1704
"Les differents avis que j'ay, Monsieur, touchant Cattinat me mettent dans l'incertitude de ce qu'il est veritablement devenu. Il a esté quelques jours dans une Maison hors de la ville chez un jardinier nommé Billard, qui est des Sevennes. Ils estoient 3 ou 4 personnes ensemble. Ce jardinier estoit parti avec eux comme devant les suivre et il avoit dit adieu a ses amis sur ce pied là. Il est pourtant presentement de retour chez luy, et si ce qu'on me raporte est veritable il doit avoir dit qu'il n'a esté que jusques dans le Pays de Vaud, et que n'ayant pas pû passer il estoit revenu, sans parler des autres. Sur ce pied là il se pourroit faire, Monsieur, qu'il les auroit seulement accompagnez jusques là, et que Cattinat et ceux qui sont avec luy auroient continué leur chemin par la franchecomté. Peu estre aussi sont ils touts revenus, et dans ce cas là je ne doute point qu'ils ne se tiennent cachez quelque part. Je say qu'ils craignent fort de tomber dans quelque embuscade. D'ailleurs fontane, qui avoit paru devoir partir avec Cattinat, est surement a Lausane, aussi bien qu'un officier alleman, qui les estoit venu joindre icy. Le petit Predicant, qui est de la meme troupe s'apelle François. On m'avoit raporté que Cavalier estoit revenu de Piemont, et les avoit joints pour repasser dans les Sevennes avec eux: Mais il n'y a nulle aparence a cela.
Quelque route qu'ils prennent on est averti partout. J'ay beaucoup de penchant a croire qu'ils prendront celle de franchecomté pour tomber dans la Bresse et dans le Pays de forez, de la dans l'auvergne et dans le Rouergue, d'ou il leur sera aisé de gagner les Sevennes. Je ne doute pas, Monsieur, que vous ne donniez bons ordres partout. La chimere de ces gens là est que M. le Marquis de Miremont viendra avec un corps de 8000 hommes tout francois pour porter la guerre dans le Daufiné par les vallées et de là dans les Sevennes, et que cela causera une revolution general dans toutes ces Provinces là ou il y a beaucoup de nouveaux convertis; que Cavalier se joindra a luy avec son regiment. Je crois assez que c'est là le projet. Mais M. le Marquis de Miremont n'est pas encore en Piemont, ny les 10 mille hommes [not a misprint--8 cited above 10 here]qu'il y doit conduire. Il ne faut pas douter qu'on n'écrire dans ce sens là a Ravanel et aux autres chefs des Sevennes qui ne se sont pas encore soumis et qu'on n'entretienne meme dans ces esperances là les peuples des Sevennes. Ils ont differentes adresses pour faire passer leurs lettres en ce pays là. En voicy une, dont on m'a assuré qu'ils se servoient, a M. Parouillan voiturier demeurant a Nismes. Il vous sera aisé, Monsieur, de savoir si veritablement il y a à Nismes un voiturier de ce nom là, et de faire retirer toutes les lettres que se trouveront a la poste a son adresse. Je croirois bien aussi qu'on peut se servir de celle du nommé Billard jardinier a pleinpalais pour les lettres qu'on ecrit de ce pays là a Cattinat et a d'autres. Voila, Monsieur, tout ce que j'ay pû decouvrir jusqu'a cette heure, qui meme est fort equivoque. On m'a ecrit de plus de Lausane qu'il en estoit parti 130 hommes, Camisars, et autres avec quelques officiers par petites bandes: Mais qu'on ne savoit pas bien encore s'il alloient dans le Wurtemberg ou s'ils iroient par le Mont St. Godard en passant par les Grisons pour gagner l'Italie et de là le Piemont, et que ce qu'il y avoit encore de ces gens là à Lausane et dans d'autres petites villes le long du Lac, qui les devoient suivre, avoient receu un contr'ordre; Qu'on ne savoit a quoy atribuer ce changement, qui pouvoit pourtant bien avoir quelque raport à un bruit sourd qui couroit a Lausane qu'on avoit dessein de jetter du monde dans Montmelian; Ce qu'il y a de bien veritable a tout cela c'est que la pluspart de ces gens là sont fort embarrassé presentement qu'il n'y a plus de communication avec le Piemont, et qu'on se lasse de leur fournir leur subsistance. Il paroit ça esté de l'argent de M. le Duc de Savoye jusqu'à cette heure."
Élie Marion
le vagabond de Dieu (1678-1713)
par Jean-Paul Chabrol, Professeur à l'IUFM de Marseille
A Dantzig, en octobre 1712, quatre hommes sont arrêtés. Ils viennent de Stockholm et sont accusés d'être des espions du Roi de Suède, Charles XII, en guerre contre le roi de Pologne. Pendant sept mois, ils seront durement emprisonnés, parfois privés de nourriture, puis expulsés. Parmi eux, un certain Élie Marion, natif de Barre, en Cévennes, un bourg du Bas-Gévaudan. Que pouvait bien faire cet homme en ces contrées froides et brumeuses, si loin des Cévennes, en compagnie de personnages dont le comportement intriguait toutes les polices d'Europe ?
Les quatre hommes étaient prophètes et parcouraient, depuis 1711, l'Europe, invitant sur leur passage, les " peuples " à écouter leurs prophéties qu'un d'entre eux notait dans un cahier, quasiment au jour le jour. Curieuses et extravagantes paroles. On comprend, à la lecture des ouvrages qu'ils nous ont laissé, la perplexité et le soupçon des autorités qui les voyaient traverser leur territoire. Certes les quatre voyageurs étaient inoffensifs, pacifiques, dénués de tout, dans la plus grande pauvreté, mais leur comportement était étrange et les propos qu'ils tenaient contre les clergés de toutes confessions les rendaient suspects.
Du mois de juin au mois de décembre 1711, ils parcourent une bonne partie de l'Allemagne, poussent jusqu'à Vienne, puis retournent à leur point de départ, Londres. L'année suivante, ils quittent cette ville pour un nouveau périple européen. C'est à cette occasion qu'ils seront emprisonnés. Relâchés au début du mois de mai 1713, ils traversent l'Europe centrale pour se diriger vers Constantinople. Élie Marion est malade mais tant bien que mal il suit ses compagnons prophétisant irrégulièrement. En août, ils atteignent la capitale turque. La maladie d'Élie empire. Ils décident de revenir. Ils prennent un bateau anglais à Smyrne qui les conduit à Livourne où ils débarquent le 3 octobre. Marion est souffrant. Les quatre hommes sont assignés en quarantaine dans le lazaret de Livourne comme c'était la règle à l'époque par crainte de la peste orientale. Élie est au plus mal mais ses compagnons décident d'aller à Rome, Babylone disent-ils. Ils partent le 24 novembre. Élie reste seul à Livourne. Le 29 novembre, il meurt. Il avait 35 ans seulement.
Singulière est l'aventure de ce cévenol. Élie Marion est né à Barre le 31 mai 1678. Son père était ménager, c'est-à-dire paysan assez riche pour faire travailler ses terres par un fermier ou un métayer. La famille est protestante depuis 1560 au moins.
Des documents jusque là inédits apportent quelques lueurs sur l'origine de cette famille. Elle est originaire de Saint-Germain-de-Calberte. Claude Marion, fils de Jean, s'est installé à Barre dans la première moitié du XVIème siècle peut-être à l'occasion de son mariage avec Lucie Pons, une barroise. De ce mariage naissent deux enfants Jean et Anne.
Ce Jean Marion est maréchal-ferrant. Il épouse Anne de Pierredon (ou de Puechredon). Le couple teste en 1638. Leurs testaments permettent de connaître leurs cinq enfants, ceux du moins qui étaient encore vivants à cette date. Dans l'ordre: Louise, épouse d'Antoine Valmalle, natif du Masbonnet (mariage en 1624); Judith, épouse de François Bolomier (chirurgien) depuis 1626; Jacques; Jean et enfin Élie, le grand-père paternel de notre prophète. Ces alliances permettent aux Marion d'accéder à la notabilité. Ils font partie du consulat (ancienne forme de notre municipalité) et participent aux activités religieuses du consistoire.
Au moment de la Révocation de l'Édit de Nantes (1685), Élie avait 7 ans. Comme beaucoup de jeunes cévenols, il va être traumatisé par l'abjuration collective des populations cévenoles. Abjuration soudaine, brutale, massive, sous la menace des terribles dragons envoyés par Louis XIV. Mais ses parents dans le secret de leur maison ne désarment pas et résistent. Élie comme les autres enfants étaient obligés d'aller à l'école tenue par le curé du village. Mais une fois à la maison, sa mère, Louise Parlier, et son père prennent un soin particulier à "défaire " ce que le curé avait enseigné. Ces années sont décisives pour Élie. Jamais, il n'acceptera d'être catholique. Au contraire, son aversion de ce qu'il nomme l'hérésie ne cessera d'augmenter.
Mais le jeune homme doit songer à son avenir. Il fait des études de droit à Toulouse d'abord puis à Nîmes. Visiblement, il se destinait à être notaire ou homme de loi comme il y en avait beaucoup en Cévennes. Il est l'aîné de la famille et son père porte un soin particulier à son éducation qui lui permettra, espère-t-on, d'accroître la fortune et l'honorabilité de la famille.
C'était sans compter avec les événements religieux qui allaient secouer les Cévennes. Élie a 23 ans quand la vague du prophétisme déferle avec violence sur les Cévennes gévaudanaises (automne 1701). Le jeune homme est ébranlé par la vision de ces jeunes prophètes qui à Barre et dans les environs appellent à la repentance puis peu à peu à la violence contre ceux qui persécutent les protestants. Élie, quand il est à Barre en vacances, ne cesse alors de fréquenter, dans les déserts, les assemblées religieuses tenues par les prédicants. Sa famille est menacée par l'abbé du Chaila. Ses deux frères, Pierre et Antoine, sont touchés par la contagion prophétique et deviennent des "inspirés" .
Ni Élie, ni ses frères ne participent directement à l'assassinat de l'abbé du Chaila. Toutefois sa famille est suspecte aux yeux des autorités. C'est au début du mois de janvier 1702 qu'Élie est touché par ce qu'il appelle l'Esprit divin. Désormais il est prophète et le restera jusqu'à sa mort. Au mois de février ou de mars, il se décide à rejoindre les camisards. Sa famille est alors menacée par les soldats. Elle abandonne ses biens et se réfugie au désert. C'est ainsi que sa mère décédera dans un creux de rocher aux environs de Peyroles (près de Saint-Jean-du-Gard).
Élie partage la vie vagabonde et dangereuse des Camisards. Ce n'est pas un chef de premier rang. Son action est essentiellement religieuse. Mais étant un des rares intellectuels parmi ces combattants, les chefs camisards utilisent ses capacités à partir du moment où ils sont contraints de traiter avec les autorités régionales. C'est ainsi que Marion participe aux deux capitulations qui vont mettre progressivement fin au combat. En 1704 a lieu la première capitulation. Marion quitte le Languedoc en novembre pour gagner Genève où il demeure jusqu'au mois de février 1705. Au début du mois de mars il est de retour à Alès mais les camisards sont obligés de se rendre une seconde fois. Marion quitte alors définitivement la France au mois d'août 1705 et se rend de nouveau à Genève où il retrouve son père, son frère Pierre et sa sœur Louise qui étaient sortis du royaume en 1704. Les relations de ces cévenols exilés avec les pasteurs de Genève ou même français réfugiés ne sont pas bonnes. Ces derniers se méfient des prophètes et condamnent leurs propos qui s'écartent de l'orthodoxie calviniste genevoise.
Marion quitte Genève en novembre 1706 toujours sur une inspiration de l'Esprit. Après être passé par Berne et La Haye, il arrive à Londres au mois de septembre. Son arrivée coïncide avec de nombreuses inspirations. Une nouvelle fois, les relations avec les pasteurs de la colonie française réfugiée à Londres sont particulièrement mauvaises. Avec trois autres cévenols, il est à l'origine d'une " fraternité " religieuse que les Anglais vont très vite appelés les French prophets (Prophètes français).
French prophets et Shakers
par Jean-Paul Chabrol, Professeur à l'IUFM de Marseille
Le groupe religieux millénariste des French prophets se transformera en secte en 1713 après la mort d’Élie Marion. Elle disparaîtra au milieu du XVIIIème siècle. On estime qu’il a attiré, tout au long de cette longe période, entre 500 ou 600 personnes. Sous le terme de French prophets, sont désignés non seulement les membres d’origine française mais aussi tous ceux qui, de plus en plus nombreux, se sont agrégés à eux : des Anglais ou des Écossais pour la plupart. L’expression d’English Prophets serait plus proche de la réalité. Si l’adjectif de "Français" se révèle donc abusif, le terme de "Prophète" l’est aussi : les adeptes n’ayant pas tous été des "inspirés". Ni ces derniers, ni leurs prosélytes n’ont donné de nom à cette " fraternité " mystique. Ils s’appelaient entre eux les "Enfants de Dieu". Les French Prophets ont pour noyau originel quatre "inspirés", tous "cévenols" et tous anciens Camisards. Dans l’ordre chronologique de leur arrivée en Angleterre (été 1706) Durand Fage ; Jean Cavalier de Sauve (à ne pas confondre avec le célébrissime " colonel " Jean Cavalier de Ribaute) ; Jean Allut, cousin du précédent ; Élie Marion. Très rapidement, leurs comportements vont attirer l’attention du public londonien et partant celle des autorités religieuses et politiques. Prédictions apocalyptiques et millénaristes, tremblements du corps (en anglais trembling ou shaking of the body) et théâtralisation tapageuse des cultes surprennent l’opinion publique qui avait déjà oublié le comportement des premiers Quakers. Deux affaires vont contribuer à la notoriété européenne du groupe. En décembre 1707, à la suite d’une longue et laborieuse procédure judiciaire accompagnée d’une incroyable guerre de pamphlets, Élie Marion et deux "frères" sont condamnés, deux jours d’affilée, à une exposition publique infamante en plein cœur de Londres. Sur l’échafaud, le pauvre Élie portait au dessus de son front un écriteau sur lequel était écrit : "Élie Marion, convaincu d'avoir faussement et avec profanation prétendu être un véritable prophète et d'avoir prononcé et fait imprimer plusieurs choses comme lui ayant dictées par l'Esprit de dieu, pour donner de la terreur aux sujets de la Reine". Le Cévenol était accusé d’avoir publié un recueil d’Avertissements prophétiques dans lequel il prédisait la très prochaine destruction de Londres assimilée à Babylone-la-paillarde.
Au mois de janvier 1708, les French Prophets annoncèrent bruyamment pour le 5 juin suivant la résurrection d’un adepte récemment décédé, le docteur Thomas Emes. A la date prévue, 20 000 personnes s’assemblèrent dans le cimetière de Bunhill Fields. Prudents, les inspirés préférèrent, ce jour-là, s’éloigner de la capitale. La non-réalisation de la prophétie n’entraîna pas la disparition du groupe au grand désappointement de leurs adversaires. Mieux, le nombre des adeptes continua à croître pour atteindre près de 400 personnes vers 1713 ! Deux ans après l’Affaire Emes, les French Prophets se sont lancés dans une activité missionnaire soutenue. Aux Anglais, les Îles Britanniques : Irlande, Écosse, Nord de l’Angleterre (Oxford, Cambridge, Bristol, Manchester…). Sur le continent, les Français arpentèrent l’archipel huguenot en exil : les Provinces-Unies (la " Grande arche des Fugitifs " français) et surtout l’Allemagne qui étaient, à leurs yeux, un pays de mission et une terre mystique.
De toutes ces missions continentales, on ne retiendra que les deux grands voyages de 1711 et de 1712-1713 durant lesquels Élie Marion et Jean Allut (accompagnés de Charles Portalès et de Nicolas Fatio) rencontrèrent, à plusieurs reprises, des cercles piétistes qui influencèrent à leur tour les Moraves et plus tard les Méthodistes.
On insistera d’abord sur l’influence européenne des French prophets. Un historien du XIXème siècle écrivait : "de Marie Huber et de Mme de Warens, Jean-Jacques Rousseau retira quelques uns des principes fondamentaux pour une éducation spirituelle qui mêlait la raison et le cœur". Il considérait la première des deux femmes comme "la mère spirituelle" du grand philosophe. Qui était donc cette Marie Huber éclipsée par la célèbre Madame de Warens, l’amie de Jean-Jacques ? C’était une petite-nièce de Nicolas Fatio. Sa famille qui avait quitté Genève en 1711 s’était établie dans un village proche de Lyon. Mais les parents de Marie étaient restés en relation épistolaire avec le mathématicien. Ce grand-oncle leur avait envoyé les œuvres des French Prophets (dont très certainement le livre de Marion) et surtout La Mission de Turquie, un ouvrage qui semble malheureusement aujourd’hui perdu. La famille Huber avait aussi reçu la visite de deux inspirés "londoniens", Durand Fage - l’ami intime d’Élie - et François Pagez. En 1716, deux des trois filles Huber (Deborah, neuf ans et Marie, vingt et un) commencèrent à prophétiser. Fatio s’en alarma "par crainte d’une mauvaise interprétation des signes du Seigneur par (des) novices". Mais à cette date, le groupe était sur le chemin de la secte et une certaine "orthodoxie" se dessinait à travers la Discipline qu’il cherchait à faire régner en son sein. Fatio s’inquiétait aussi du zèle un peu débridé de Pagez. Sur un "ordre" de ce dernier, Marie Huber se rendit à Genève, en 1715-1716, pour y prophétiser. Elle fut très mal accueillie par les pasteurs de Genève et retourna à Lyon. Son "illuminisme" évolua alors vers un rationalisme déiste. Marie Huber, cette "théologienne" méconnue du grand public, nous ramène au buissonnant piétisme helvétique en butte à l’animosité de la majorité du corps pastoral. Nous avons déjà rencontré à plusieurs reprises cette spiritualité dont l’historiographie contemporaine souligne aujourd’hui, et à juste titre, l’importance théologique, éthique et culturelle. Malgré l’hostilité des pasteurs dogmatiques, quelques minuscules groupes piétistes s’étaient maintenus à Berne, Neuchâtel, Genève, Lausanne, Vevey, Yverdon, Morges... Ces cercles, très minoritaires, étaient en relation avec les piétistes germaniques, les Moraves et les French Prophets. Plusieurs adeptes, en particulier des femmes, subissaient l’influence du quiétisme (Antoinette Bourignon, Pierre Poiret) et du mysticisme catholique (Mme Guyon par exemple dont on connaît l’influence sur les milieux protestants). La ville de Vevey a été un centre piétiste actif animé par François Magny , personnage oublié aujourd’hui mais qui mériterait une biographie ne serait-ce que par ses liens étroits avec Marie Huber et plus encore à cause de son ascendant sur Mme de Warens qui fut son "élève spirituelle". Or Magny a été l’ami des French Prophets. Il connaissait toutes leurs publications et je tiens, au risque de me répéter, pour très significatif le fait qu’il ait conservé dans ses archives la seule lettre qui mentionne la maladie d’Élie dans les prisons polonaises. Le romantisme de Rousseau doit beaucoup à Mme de Warens et à l’œuvre théologique de Marie Huber. L’itinéraire religieux (protestant, catholique, calviniste, déiste) du philosophe témoigne aussi de l’éclectisme spirituel des piétistes qui, plus que d’autres, mettaient l’accent sur le Sentiment, les élans du Cœur et le "Moi profond" s’opposant ainsi à l’impérialisme de la Raison. Relisant la Profession de foi du Vicaire savoyard ou Les Rêveries du promeneur solitaire, j’aime y déceler, ici et là, les traces bien ténues de l’"enthousiasme" de mes Cévenols revisité, revivifié et enrichi par ces néopiétistes suisses même si, dans la Nouvelle Héloïse, Rousseau a pu écrire, à propos de ces derniers, qu’ils étaient des "sorte(s) de fous qui avaient la fantaisie d’être chrétiens" à l’instar des "méthodistes, des moraves (et des…) jansénistes". Les larmes de Rousseau ne sont peut être pas si éloignées des larmes de sang et des sanglots de Marion. L’"invention" du paysage cévenol "comme lieu naturel et originel de l’enthousiasme" et comme terre sacrée de l’inspiration prophétique doit beaucoup aux épigones de Rousseau dont on sait l’apport dans le développement du sentiment de la Montagne.
Mais l’aventure des French prophets dépasse le cadre européen. Dans "Mille ans de Bonheur, une histoire du Paradis", Jean Delumeau souligne l’importance du prophète cévenol Élie Marion (1678-1713) en affirmant que son "message venu de Londres fut entendu plus tard en Amérique". Mais le lecteur regrette que dans le chapitre XV consacré à l’Amérique du Nord (p.275-287), l’historien du millénarisme chrétien ne revienne pas sur l’influence du prophétisme cévenol en Amérique du Nord et notamment leurs liens probables avec les Shakers.
A l’exception de quelques spécialistes, qui connaît en France les Shakers ? Pour beaucoup, le mot renvoie à un récipient métallique que l’on agite pour mélanger les ingrédients d’un cocktail. En anglais, le verbe to shake signifie secouer, agiter, trembler, ébranler. Les Shakers (littéralement les trembleurs mais le nom officiel de cette Église est The United Society of Believers in Christ’s Second Appearing) sont aujourd’hui une " secte " religieuse dont la notoriété, dans le Nord-Est des États-Unis, est inversement proportionnelle au nombre de ses adhérents. Les Shakers sont, en effet, au nombre de 7 (février 1999), installés dans la communauté de Sabbathday Lake dans l’état du Maine (Nouvelle-Angleterre, É.-U.). Paradoxalement, rarement une " secte " n’a suscité, dans ce pays, un tel engouement qui frise la Shakermania : multiplication des études et des recherches universitaires ; nombreux colloques ; transformation des anciens villages shakers en musées ; publication d’ouvrages d’art sur le mobilier et l’architecture shakers ; vente d’objets shakers dont certains atteignent des prix astronomiques... Au moment même où se joue l’avenir de cette communauté (la moyenne d’âge des adeptes est très élevée), le Shakerism est devenue " une industrie florissante " au point de faire oublier ses origines, ses croyances et sa très rigide éthique puritaine (célibat, règles de vie communautaire, travail, etc.). Comme le souligne très justement l’historien américain Stephen J. Stein, les actuels Shakers risquent de devenir des " icônes vivantes " avec tout ce que ce phénomène charrie comme mythes et incompréhensions. Par certains côtés, l’actuelle utilisation commerciale du mot " Cévennes " fait songer au redoutable marketing qui entoure aujourd’hui le label " shaker ". Ce rapprochement n’est pas innocent et il nous conduit à s’interroger sur les racines historiques de ce mouvement religieux si important pour la culture américaine.
Cette " église " a été fondée dans la seconde moitié du XVIIIème siècle par Ann Lee (1742-1784), une ouvrière du textile illettrée, originaire de l’industrieuse Manchester en Angleterre. Vers 1758, Ann Lee et quelques membres de sa famille entrèrent dans une minuscule " société " religieuse (millénariste) dirigée par les époux James et Jane Wardley. Les cultes animés par les charismatiques Wardley donnaient lieu à des scènes qui n’étaient pas sans rappeler le comportement des " petits prophètes " cévenols des années 1689-1702 : cris, convulsions, transes, extases, visions, sombres prédictions apocalyptiques. C’est la raison pour laquelle les fidèles du couple Wardley furent appelés, par dérision, les Shaking Quakers (les trembleurs dansants). Rappelons pour mémoire que le mot Quaker (trembleur en français) était le sobriquet donné aux membres de la "Société des Amis" fondée par le célèbre George Fox (1624-1691) et considéré par ses fidèles comme un quasi prophète thaumaturge. A leurs débuts, dans les années 1640-50, les Trembleurs "acceptaient miracles et prophéties comme des manifestations (…) de l'opération directe" du Saint-Esprit. Mais les Quakers étaient devenus très pacifiques après avoir été très durement et cruellement réprimés sous le Protectorat de Cromwell (1649-1660) puis sous la Restauration (1660-1688). Depuis la fin du XVIIème siècle, ils glissaient vers le quiétisme "à l’image de la désillusion progressive des puritains anglais après les grandes espérances du début des années 1640" et "cherchaient maintenant à créer le Royaume de Dieu, non plus dans le monde, mais en eux mêmes". Quelques Quakers qui ne partageaient pas cette évolution se séparèrent du mouvement en 1670. Il semble que les Wardley aient appartenu à ce courant schismatique dont les adeptes étaient désignés sous le nom de Proud Quakers.
Très rapidement, la " société " des époux Wardley attira les foudres des autorités politiques et religieuses à cause de son prosélytisme tapageur. Ann Lee et des membres de sa famille furent condamnés, à plusieurs reprises, à des amendes et à de brefs séjours en prison. C’est pour échapper à une persécution plus sévère qu’Ann Lee et une poignée de fidèles (dont son mari et son frère) décidèrent de quitter l’Angleterre au printemps 1774 pour cette " nouvelle terre de Canaan " qu’était l’Amérique du Nord. Après quelques années singulièrement discrètes, Ann Lee fonda une petite " communauté " dans le village de Niskeyuna (=Watervliet) aux environs d’Albany (aujourd’hui la capitale politique de l’état de New-York). Ce fut le début de la grande aventure des Shakers qui connurent leur apogée dans le courant du XIXème siècle (24 villages et 4000 à 5000 adeptes principalement localisés dans le Nord-est des États-Unis).
Faute de sources écrites nombreuses et fiables, la préhistoire de la " société " des Wardley et donc des Shakers est encore obscure voire controversée. Elle repose en partie sur des traditions orales recueillies après la mort de la fondatrice Ann Lee. Les historiens discutent toujours de son lien direct avec les Quakers et les French Prophets. D’autres insistent sur l’influence des Méthodistes dont quelques prédicateurs sillonnaient la région de Manchester dans les années 1750. Serge Hutin pense que les Shakers ont été influencés par les Philadelphiens, adeptes des idées du théosophe allemand Jacob Bœhme (1575-1624), le "prince des ésotéristes chrétiens". Malgré les lacunes de la documentation, il y a tout lieu de croire que les French Prophets ne sont pas étrangers au comportement singulier d’Ann Lee et de ses compagnons. C’est la thèse du seul historien français des Shakers, le dominicain Henri Desroche pour qui le shakerisme "naît du millénarisme traqué des prophètes cévenols". Jean Séguy, spécialiste des non-conformismes religieux et du monde "sectaire" protestant, ajoute que les "Shakers (…) sont le fruit d’un croisement d’influences où se retrouvent quakers, inspirés des Cévennes et méthodistes". Les historiens américains contemporains sont moins catégoriques sur ces relations bien que Clarke Garret insiste sur l’influence du prophétisme camisard dans un livre au titre très explicite Spirit Possession and Popular Religion. From the Camisards to Shakers. Les successeurs de Mother Ann - c’est le nom que lui donnent les Shakers – se sont toujours réclamés et se réclament encore des French Prophets. Selon Henri Desroche, les deux dates "sacro-saintes" du shakerisme sont : 1706, l’arrivée des prophètes cévenols à Londres et 1747, le revival de James et Jane Wardley. Les deux grands textes "canoniques" de ce mouvement religieux - The Testimony of Christ’s second appearing (1808) et A summery of Millenial Church (1823) - mentionnent explicitement le prophétisme cévenol comme source directe du mouvement. Dans le premier texte, on lit ce passage éclairant : "Ils (les French Prophets) témoignaient que la fin de toutes choses était imminente et avertissaient le peuple (d’avoir) à se repentir et amender leur vie. Ils prévenaient de la prochaine venue du Royaume de Dieu, de l’année agréable au Seigneur ; et dans maints messages prophétiques, ils déclaraient au monde que ces nombreuses prophéties de l’Écriture concernant les nouveaux cieux et la nouvelle terre, le Royaume du Messie, le mariage de l’Agneau, la première résurrection et la Nouvelle Jérusalem descendant d’en Haut, étaient à la portée de main et seraient bientôt accomplies".
A deux reprises (1711 et 1713), Halle ("capitale" du piétisme) fut donc un havre de paix et de réconfort pour nos voyageurs. A leur second voyage, ils y séjournèrent près d’un mois. "Peu après le départ des missionnaires (…) au printemps 1713, cinq piétistes devinrent inspirés. Maria Élizabeth Mathes, âgé de 18 ans, et son père, secrétaire de Francke (le second grand théologien piétiste après Spener à l’Orphelinat, eurent des visions et proférèrent des avertissements. Trois frères, étudiants à l’Université, reçurent aussi le don d’inspiration. Avec leur mère, une veuve, les frères Pott formèrent le noyau du Cercle de Halle. Francke et d’autres responsables piétistes étaient entre temps devenus hostiles à la " nouvelle dispensation " qui leur semblait moins partageable. Francke renvoya son secrétaire Mathes et Theodor Knauth (jeune et brillant prédicateur) fut privé de ses fonctions à la cathédrale de Halle pour avoir épousé la cause des prophètes français. Les frères Pott et le couple Mathes portèrent le message du Seigneur à Berlin pendant l’été 1714, provoquant un essaim de pamphlets. Ils se dirigèrent ensuite vers la Wetteravie, une région de relative liberté religieuse au centre de l’Allemagne où s’étaient établis de nombreux protestants dissidents et piétistes. Quatre nouveaux prophètes d’Amsterdam se rendirent aussi en Wetteravie en 1715. Ils venaient d’un cercle dynamique de fidèles qui avaient imprimé le premier livre d’Avertissements de John Lacy en hollandais. Traversant Halle en 1714, ils attirèrent à leurs réunions quarante personnes malgré l’opposition de Francke. En 1715, hommes et femmes de Wetteravie commencèrent à expérimenter les agitations habituelles des prophètes français. Johan Friedrich Rock, le pasteur luthérien Eberhard Ludwig Gruber (1665-1728) et d’autres devinrent prophètes". Gruber avait lu le Théâtre sacré des Cévennes ainsi que les "œuvres de Jean Allut et d’Élie Marion (traduites en allemand à Francfort dès 1712)". Dans ses écrits de 1715, le pasteur reconnaissait sa dette à l’égard de nos Cévenols en qui "il reconnaissait ses maîtres". Trois ans plus tard, "il forma une " Communauté de la Vraie Inspiration " dans la région de Marienborn près de Himbach et Büdingen, et une communauté analogue se créa à Schwarzenau (Wittgenstein)". De son côté, "Rock imprima ses propres avertissements pendant plus de trente ans et prophétisa beaucoup. Nicolaus Ludwig, le comte de Zinzendorf (1700-1761, filleul du piétiste P. J. Spener, et par la suite chef des Moraves, rencontra Rock en train de prophétiser avec des convulsions".
De ce bouillonnement religieux où se mêlent French Prophets, piétistes radicaux et frères Moraves vont naître plusieurs projets d’installation en Amérique du Nord considérée comme un nouvelle terre promise. Mais avant de franchir l’Atlantique, retenons que ces Enfants de Dieu allemands ont été en contact très étroit avec les piétistes suisses et que les missionnaires Moraves sont allés en Angleterre visiter le "théâtre sacré" de leurs frères chrétiens. C’est à leur fructueux contact que John Wesley(1703-1791) va s’engager sur la voie du méthodisme. Wesley a rencontré à plusieurs reprises des French Prophets mais les contacts n’ont pas été bons. On a parfois établi un lien direct entre le prophétisme camisard en exil et le premier méthodisme weysléien. Si le méthodisme peut à la rigueur être considéré comme un produit du millénarisme du XVIIIème siècle, il le doit davantage à l’influence des Moraves qu’à celle des French Prophets même si les premières réunions "méthodistes" présentent quelque analogie avec celle des inspirés cévenols (rires, transes, convulsions, etc.).
C’est donc principalement les Shakers américains qui ont entendu et fait fructifier le message d’Élie Marion et de ses frères. Jean Séguy rappelle que le "phénomène Shaker plonge ses racines lointaines dans le prophétisme des Cévennes et dans les groupes d’illuminés allemands et britanniques qu’il a suscités ou revivifiés. Tous ces groupes ou presque partageaient l’espoir d’un prochain retour du Christ et croyaient à un millenium terrestre qui verrait la récompense des " saints "". Et cet historien de citer plusieurs communautés millénaro-communautaires (aujourd’hui disparues pour la plupart) dont quelques radicelles s’enfoncent dans le terreau prophético-cévenol : Mount Lebanon ; "la femme dans le désert" ; Ephrata (Pennsylvanie) ; Harmony (Pennsylvanie) ; Zoar ; "Société d’Amana" (Iowa); Oneida.... A l’exception de Mount Lebanon qui est une communauté shaker, les autres sont souvent d’origine germano-piétiste. Leurs founding fathers, immigrants allemands pour les plus nombreux, ont été en contact direct ou indirect avec les Quakers, les Moraves, les Méthodistes et les inévitables French Prophets anglais ou continentaux. Longtemps méprisé, décrié ou dénigré, le prophétisme cévenol en exil doit aujourd’hui être reconsidéré pour son influence sur le piétisme germanique ou suisse et pour son apport à la culture nord-américaine à travers les Shakers.
Dans ce siècle des Lumières qui se veut rationaliste, la parole prophétique, la personnalité d'Élie Marion et de ses amis détonnent, dérangent, intriguent, interpellent. Entre les sarcasmes grinçants de Voltaire - de tous ceux qui ne voient dans les prophètes qu'imposture et simulation - et le discours prophétique des humbles et des laissés-pour-compte de la Grande Histoire, dans cette rupture, se niche un abîme que nulle analyse, nulle histoire, nulle exégèse ne viendra combler : "Quand vous aurez saccagé, vous serez saccagés : car la lumière est apparue dans les ténèbres pour les détruire! " (Jean Allut, un des compagnons d'Élie Marion).
Bibliographie sommaire :
Chabrol, J.-Paul, Élie Marion, le vagabond de Dieu (1678-1713). Prophétisme et millénarisme protestants en Europe à l’aube des Lumières. Edisud, Aix, juin 1999.
Delumeau, J., Mille ans de bonheur, Une histoire du Paradis, tome II, Paris, Fayard, 1995. Élie Marion et Jean Allut sont cités à la page 198. Bonne synthèse.
Garret, C., Spirit Possession and Popular Religion : From the Camisards to the Shakers, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1987. Un ouvrage important sur l’impact du prophétisme cévenol. L’auteur cite E. Marion.
Jaffro, L., " Des Illuminés aux Lumières : Shaftesbury et les French Prophets ", Causses et Cévennes, N° 4, 1992.
Kirk, J. T., The Shaker world :, Art, Life, Belief, Harry N. Abrams, Inc., New-York, 1997. Magnifique livre d’art sur la culture matérielle et religieuse des Shakers. La partie historique est très intéressante. L’ouvrage contient une citation d’Élie Marion extraite du Théâtre sacré des Cévennes. Je tiens à remercier ici Anouk, Nicole et Jacques Mauduy qui m’ont rapporté des États-Unis ces livres et ces articles passionnants sur les Shakers américains.
Newman, C., et Abell, S., " The Shaker’ brief eternity. Last two surviving communities in the U.S. maintain commitment to spiritual perfection ", National Geographic v176, septembre 1989.
Schwartz, H., Knaves, fools and madmen and the subtile effluvium, a study of the opposition to the french prophets in England, 1706-1710, University of Florida, Social Science Monograph Series, 62, Gainesville, 1978. Schwartz, H., The French Prophets in England : A social history of Millenarian group in the early eigtheenth century, Yale University, 1974, édit. 1976.
Skees, S., " The last of the Shakers ? (American shakerism) ", Ms Magazine v5, mars-avril 1995, 40.
Stein, S. J., The Shaker experience in America : a history of the United Society of Believers, New Haven and London, Yale University Presse, 1992. Excellent ouvrage sur les Shakers, appelé à devenir un grand classique.
Vidal, D., L’ablatif absolu, théorie du prophétisme, discours camisard, Paris, Anthropos, 1977.
Joiny
Compléments : JOINY avait déjà eu des ennuis pour faits de religion en 1690 comme le montre le document des archives de l'Hérault. A cette époque, il était marié et métayer à Valinières (paroisse de Genolhac).
Par ailleurs, des documents des archives de l'Hérault que nous publierons plus tard nous apprennent que Joiny n'a pas été emprisonné tout de suite à la citadelle de Montpellier après sa désertion, mais au fort de Brescou où il a été conduit à partir de Sommières par le sieur Barnier. Il y reste jusqu'au 26 juillet 1707 , date à laquelle un ordre du duc de Roquelaure le fait conduire, sous la garde de six dragons commandés par un maréchal des Logis, à la citadelle de Montpellier.
Perquisition chez Joiny
Document inédit retrouvé aux Archives départementales de l'Hérault (C170).
Nous, De La Cour, capitaine au régiment de Chambonas, nous sommes allés avec un sergent et quatre soldats sur les six heures du matin [mot illisible sur la photocopie, probablement "dans" rayé] à la métairie de Jean Nicolas dit Janin située à la montagne de Lousère et près le bois de Faux des Armes lieu appelé Valmivers dépendant de notre inspection, et aurions trouvé dans ladite métairie la femme dudit Nicolas, et après avoir exactement fouillé avons trouvé entre le couvert et la muraille qui soutient les poutres dudit couvert et dans un des ais un petit sac où il y avait six livres de psaumes notés, et dans le même temps nous serions aperçus que la femme dudit Janin prenait un livre qui était sur un ais qui était dans la cheminée qu'elle cacha dans sa jupe, lequel lui aurions ôté par force nonobstant la résistance qu'elle faisait ledit livre, intitulé les actes des apôtres et épitres de St Paul St Mathieu et apocalipse de St Jean, au milieu duquel il y avait une paire de lunettes et au marge de la couverture il y a écrit : ce livre appartient à moi Pierre Malachane, ce qui nous aurait obligé de demander à la femme dudit Nicolas si elle ou son mari savait lire, et s'il se servait desd. lunettes, et à qui elles appartenaient aussi bien que lesd. livres ; laquelle aurait répondu que son mari ne savait pas lire, qu'elle lisait mais qu'elle ne se servait pas de lunettes, qu'elle ne savait pas à qui elles appartenaient aussi bien que lesd. livres. Lui aurions aussi demandé s'il n'était pas venu quelques étrangers ou des gens des lieux circonvoisins qui lui avaient baillé lesd. livres et venaient les lui lire. Elle aurait répondu que non ; nous aurions emporté lesd. livres au lieu de Gourdouse où nous sommes en quartier et aurions dressé le présent verbal le vingt-quatre septembre mil six cent quatre-vingt dix que nous avons signé et fait signer à notre sergent Delacour Durand sergent
Compléments: Il ne fait aucun doute pour nous que Nicolas dit Janin est Nicolas Joiny.
En effet, le lieu que nous avons transcris "Valmivers" doit être lu en fait Valinières ou habitait effectivement Joiny à l’époque (communication de Henry Mouysset dans le cadre de la préparation de son livre "Les premiers camisards" -à paraître).
Cette perquisition pourrait expliquer son engagement dans l'armée (pour échapper à l'emprisonnement et laisser passer les poursuites). Le fait qu'il habitait cette métairie expliquerait aussi qu'il connaissait le massif du Lozère et le bois de la Fau des armes comme sa poche. Quand à sa femme, on n'en entend plus parler par la suite, elle a pu être emprisonnée et décéder en prison (hypothèse pure !), ou bien s'enfuir.
Il y a aussi dans le même dossier C170, folio 73 une autre lettre, probablement du même Delacour (je ne l'ai pas photocopiée mais seulement recopié le passage suivant) : "... j'ai trouvé dans une métairie du nommé Jean Nicolas dit Jagnin, n. c., beaucoup de livres défendus, je croyais bien d'y trouver des armes cachées le lieu étant fort suspect, il n'y avait que la femme dudit Nicolas que je n'ai pas cru devoir arrêter, son mari s'est évadé, apparemment qu'il se sent coupable. Il a du bien à ce qu'on dit....".