L’INSURRECTION CAMISARDE JUSTIFIEE PAR LA PERSECUTION

  • Ce sujet contient 11 réponses, 12 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Eric de SCHEPPER-GRANIER, le il y a 19 années et 7 mois.
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    Messages
  • #5395
    Eric de SCHEPPER-GRANIER
    Invité

    Il m’est toujours apparu indécent d’entendre certains protestants
    et avec eux certains pasteurs, regretter la guerre des Camisards.
    Comme s’il eut été mieux de tendre l’autre joue…
    Ce pacifisme judéo-chrétien peut être louable jusqu’à un certain
    degré de… Tolérance. Mais, la répression de l’administration de
    Louis XIV et les dragonnades, les exécutions et les emprisonne-
    ments, les galères, et autres désagréments, pour le moins, dé-
    passèrent le degré de tolérance acceptable. Ainsi donc, je trouve
    justifiée l’insurrection camisarde et je ne condamne pas d’em-
    blée les exactions parfois certes outrées des insurgés.
    Répondre à la violence par la violence n’est pas admissible selon
    le christianisme confortable des descendants des Huguenots;
    certes. Pourtant, le désespoir engendre la violence (nous en sa-
    vons quelque chose en ce moment…) et les protestants du Lan-
    guedoc, en 1702, étaient désespérés.
    Considérer les Camisards comme des « bandits de grand chemin », de la part de protestants français, c’est faire affront à
    notre histoire et à nos ancêtres.

    Amitiés.

    Eric de Schepper-Granier

    #5396
    ROLLAND
    Invité

    Je suis parfaitement d’accord avec vous. La guerre des camisards n’a éclaté qu’après des années de persécution à tous les niveaux, physique avec les emprisonnements, meurtres,galères, déportation, financier avec les multiples amendes, affectif avec l’éloignement des enfants et leur éducation dans des institutions religieuses. Il a fallu que tous les cadres religieux protestants traditionnels (anciens des consistoires en particulier) ou non (prédicants), aient disparu, et que se lèvent les « inspirés », pour que poussés à bout les protestants se soulèvent de façon violente. Pour moi, il s’agissait pour eux d’une question de survie : leur foi allait être anéantie avec eux s’il n’y avait pas de réaction, et celle-ci, à ce moment-là, ne pouvait être que violente.

    Je pense que ce soulèvement, par la peur qu’il a provoqué chez les gouvernants, par le désastre économique qu’il a entraîné, a fait que le pouvoir a regardé à deux fois avant de reprendre une persécution aussi absolue qu’entre 1685 et 1702. Pousser à bout les protestants a été soigneusement évité, même s’il y eut plusieurs tentatives du clergé pour les contraindre à nouveau à « adopter » le religion catholique, et même si la répression perdura loin dans le XVIIIe siècle. Le pouvoir évitera dès lors soigneusement d’acculer les protestants à la révolte. La reconstruction pacifique des églises protestantes a pu alors s’effectuer. Je pense que la guerre des camisards a ainsi probablement permis la survie du protestantisme en France.

    Pierre ROLLAND

    #5397
    Eric de SCHEPPER-GRANIER
    Invité

    Merci de votre post.

    A mon tour d’être assez d’accord avec vous pour l’essentiel de ce
    que vous dites, sauf, excusez-moi, sur le fait que la répression
    c’est atténuée après la guerre des Camisards.
    Même avec la Régence de Philippe d’Orléans et ensuite sous le
    règne de Louis XV, les persécutions ont continuées aussi féro-
    ces que sous Louis XIV. Beaucoup d’exécutions de pasteurs et
    de prédicants, beaucoup d’emprisonnements de femmes et de
    peines aux galères pour les hommes, beaucoup d’amendes pour
    ceux qui n’envoyaient point leurs enfants au catéchisme de l’é-
    glise romaine etc… Certes, vers 1744-45, les choses changent
    un peu; un tout petit peu. Mais il faudra attendre 1765 pour que
    les brimades et les poursuites cessent à peu près.
    Quant à l’édit de Tolérance signé par Louis XVI, il est signé bien
    tardivement, et surtout il n’autorise nullement l’exercice publi-
    que du culte protestant! Aucun temple n’est autorisé à être édi-
    fié… Personnellement, je considère Louis XVI comme le digne
    successeur des deux précédents: un monarque persécuteur.
    Heureusement qu’il y eut 1792.

    Salutations.

    Eric de Schepper-Granier

    #5398
    Hugo
    Invité

    Est-il exact que ce sont toutefois les enfants de ceux qui subirent le plus fort des persécutions qui se révoltèrent? Selon le souvenir de mes lectures de P. Joutard, Jacques Séquier et Abraham Mazel étaient agés d’une 40aine d’années en 1702 : ils avaient donc certainement subi les dragonnades et les persécutions d’avant la révocation. Par contre, je crois que ceux qui se joignirent à eux étaient des enfants de persécutés révoltés contre la conversion de leurs parents et l’obligation dans laquelle ils étaient d’observer un culte catholique contraire à leur foi protestante. Qu’en est-il?

    Y a-t-il eu encore des persécutions après la révocation de l’Edit que ceux-ci auraient subi directement?

    #5399
    hugo
    Invité

    la nuit porte conseil…
    en fait, j’imagine qu’il y eut encore des persécutions après la révocation, puisqu’on libéra des prisonniers torturés de chez l’abbé du Chayla…
    quelle était l’ampleur de ces persécutions d’après la révocation par rapport à celles qui précédèrent la révocation?
    autre autre question que je me pose concerne la doctrine même : est-il juste de parler de prédestination concernant les huguenots cévenols? Par prédestination, j’entends le fait que cette vie présagerait de ce que serait l’autre. Je ne sais plus trop si cette notion se rattache à Calvin ou à Luther…

    #5400
    Eric de SCHEPPER-GRANIER
    Invité

    En effet, la révocation de l’édit de Nantes (1598) par celui de Fontainebleau (1685), « légitimise » les persécutions. Avant la ré-
    vocation, il y eut beaucoup de vexations et d’édits restrictifs ou
    d’ordonnances scélérates à l’encontre des protestants français.
    Mais la révocation de l’édit signé à Nantes par Henri IV, interdit
    complètement l’existence de l’Eglise Réformée dans le royaume.
    Les temples sont alors démolis, les pasteurs doivent abjurer ou
    s’ils refusent, quitter le pays, les enfants de Huguenots doivent
    aller au catéchisme romain et à la messe, les baptêmes, mariages et enterrements doivent être célébrés selon le rite
    catholique-romain, les cultes sont interdits dans les maisons
    particulières comme dans la campagne, les personnes arrêtées
    lors d’assemblées surprises « au désert » sont emprisonnées pour
    les femmes, envoyées aux galères pour les hommes et les pasteurs ou prédicants arrêtés sont tout bonnement exécutés
    sur la roue ou par pendaison dans le meilleur des cas.
    Et j’en passe…
    Les jeunes nés après la révocation subissent tout cela à partir
    de 1685. Restés fidèles au calvinisme surtout grâce aux mères,
    ces jeunes se retrouvent en 1702 tout prêts pour le coup de feu.
    Je tien toutefois à répéter que la persécution fut tout aussi ex-
    trême sous le règne de Louis XV. Avec d’ailleurs beaucoup plus
    d’exécutions de pasteurs et de prédicants, quantitativement, que
    sous Louis XIV.

    Amitiés.

    Eric de Schepper-Granier

    #5401
    Anonyme
    Invité

    merci beaucoup de ces éclaircissements. Je me représentais mal les choses. Je pensais que les persécutions les plus terribles avaient précédé la Révocation pour permettre à Louis XIV de prétendre en 1685 sur la scène internationale (comme on dirait aujourd’hui) qu’il n’y avait plus de protestants en France et que l’Edit était donc sans objet et révocable. Du coup, je me disais qu’après la Révocation, l’importance des persécutions avait sans doute diminué, les protestants étant devenus clandestins pour survivre.

    A vous lire, je comprends que, dès le moment de la révocation, le degré des persécutions grimpe encore puisque le protestantisme est devenu hors-la-loi du roi et l’observation du culte romain obligatoire.

    Merci, c’est bien plus clair dans mon esprit.

    Pour répondre à mon tour à votre question initiale par une opinion toute personnelle, je ne me suis jamais trop posé la question de la légitimité de l’insurrection, mais bien celle de l’intolérance et de l’intransigeance. Et de regretter aussi l’extrême violence de la guerre, que l’on retrouve de part et d’autres (c’est évidemment un regard de notre temps que je porte). Un détail important, il me semble, c’est que ce n’était pas une jacquerie et cela interdit à mon sens toute comparaison avec l’actualité.

    Bien à vous,

    en toute sympathie

    #5402
    Eric de SCHEPPER-GRANIER
    Invité

    Nous devons tous déplorer les excès des guerres. Et je les dé-
    plore avec vous. La guerre elle-même est à déplorer…
    Oui, les Camisards commirent parfois des excès.
    Mais c’est le triste lot de la guerre. Si l’on y regarde de plus près,
    les représailles sanglantes camisardes furent toujours des ré-
    ponses à de sanglantes répressions de la part de l’administra-
    tion royale et de ses soldats, sauf cas isolés.
    Nous ne pouvons point nous draper dans un angélisme de bonne-conscience quand on sait ce que les conflits armés en-
    gendrent. Les Camisards, de « bons » chrétiens, furent métamor-
    phosés en soldats rebelles; en « militaires » malgré eux. Et nous
    savons tout ce… que pratiquent les militaires en temps de guerre…
    Il ne faut pas demander à des hommes ordinaires quand bien
    même calvinistes, d’être irréprochables lorsque pourchassés et
    sévèrement punis lorsqu’ils sont prisonniers.
    Les Camisards étaient et demeurent la fierté retrouvée des Huguenots languedociens et plus largement, français.

    Salutations amicales.

    Eric de Schepper-Granier

    #5403
    hugo
    Invité

    je vous suis bien, et Jacques Brel (notamment) nous précède avec sa chanson : « c’est trop facile »
    je vous remercie encore d’avoir pris le temps d’éclairer ma lanterne.

    cordialement

    #5404
    Eric de SCHEPPER-GRANIER
    Invité

    Je ne sais ce qui est « trop facile », mais c’est mon point de vue
    qui n’engage que moi…
    Bref! Pour la prédestination, c’est un coup de Calvin.
    Bien que fils de pasteur, je puis vous dire que la « prédestination
    de Jean Calvin » je m’en tamponne, passez-moi l’expression, un
    peu vulgaire si vous voulez mais de ça aussi… Bref! Notre ré-
    formateur estimait que chaque individu, quoiqu’il fasse, était
    prédestinée dès la conception. Je ne sais pas si Calvin savait
    exactement ce qu’étaient les premiers instants de la conception,
    mais laissons-lui le bénéfice du doute…
    Pour Calvin, les oeuvres ne comptaient nullement et l’être,
    étant prédestiné à être « sauvé » était sauvé, à être « perdu » était,
    quoiqu’il fasse (le bien toute sa vie par exemple) était perdu.
    Evidemment, vu comme cela, la foi n’a guère de raison d’être.
    C’est peut-être pour cela que je n’ai pas la foi de Calvin?… Et
    vous?… Ce qui n’empêche pas que je me sens tout à fait du
    « parti » protestant, comme l’on disait au XVIème siècle.
    Schématiquement, la prédestination calviniste peut s’expliquer
    de cette façon.

    Salutations.

    Eric de Schepper-Granier

    #5405
    hugo
    Invité

    Non plus, je n’ai pas foi en Calvin et je vous assure que peu m’importe votre foi si nous pouvons discuter comme nous le faisons dans la seule optique de mettre en lumière des faits passés et tout ce qui pouvait les motiver alors. Je cherche juste à vérifier ce que je crois en avoir compris jusqu’ici.

    A propos de Calvin, je me dis que la vie n’est pas facile en montagne, qu’on peut déjà si sentir particulièrement éprouvé, que les persécutions sont une épreuves supplémentaires et que s’il on croit en Calvin, on peut être tenté de voir en les succès que l’on connaîtrait malgré tout dans ces épreuves des signes de prédestination. Car en théorie, je pense que la prédestination n’est pas donnée à la naissance, mais se déduit de la vie que l’on mène. Une vie « infernale » serait le signe d’une damnation quant une vie pleine de succès serait un signe d’élection. Ceci définirait une éthique protestante qui serait notamment à la base d’un certain capitalisme conduisant au « développement » (essor économique) des Cévennes.

    En vérité, j’ai appris ça par ailleurs pour le monde anglo-saxon et je m’interroge concernant Calvin et les Cévennes, voilà tout.

    En toute sympathie,

    #5406
    Eric de SCHEPPER-GRANIER
    Invité

    Vous avez raison, la capitalisme triomphant moderne, nous

    est peut-être un legs du luthérianisme et du calvinisme. En-

    fin le bruit court…

    Mais les sociétés antérieures à la Réforme, n’étaient pas en

    reste.

    La réussite économique des Cévennes, si tel fut le cas un jour,

    est actuellement un lointain souvenir… Et puis, les Cévenols

    crevaient plutôt dans la soie plutôt que d’y péter.

    Jusqu’à un passé récent, le grand intérêt des Protestants, du

    moins des Protestants français, c’est qu’ils étaient progressistes,

    anti-conservateurs donc, avec des idées de gauche (…).

    Aujourd’hui, qu’en reste-t-il? Je ne sais plus trop.

    Amitiés.

    Eric de Schepper-Granier

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